Voilà maintenant presque dix ans que nous préconisons dans des sites, dans ce blog, dans des revues et même dans un livre (La Nation Frankenstein, 2013, épuisé), l’utilisation systématique des mots « autochtone » et « allochtone ». Ces notions, qui au début des années 2010 étaient encore peu employées, sont maintenant d’usage courant dans le monde réfractaire. Pour nous persuader que notre travail n’a pas été complètement inutile (et même si certaines idées sont dans l’air avant de se concrétiser soudainement, sans que l’on sache exactement à travers quels mécanismes), nous voulons bien, immodestement, nous attribuer en partie le mérite de cette évolution.
Ceci dit, après avoir cherché quelque vertu à notre travail, il nous faut dire maintenant que cette évolution sémantique, bien que fondamentale, n’est à ce stade pas suffisante. Il est nécessaire que les réfractaires aillent au bout de la logique qu’elle sous-tend et qui ouvre sur des perspectives stratégiques aussi radicales que révolutionnaires.
En effet, pourquoi privilégier les mots « Autochtone » et « allochtone » plutôt que les mots « Français » et « étranger » ? Il y a plusieurs raisons à cela. La première, évidemment, est que le mot « Français » nous a été volé (comme notre pays) avant d’être distribué au monde entier. Tout le monde étant ou pouvant potentiellement devenir « Français », le mot « Français » ne signifie plus grand-chose aujourd’hui.
La fraude sémantique dont nous parlons, car il s’agit bien d’une fraude sémantique, n’est pas sans conséquences sur la perception des réalités ethniques dans notre pays. Si, par exemple, vous parlez « Grand Remplacement » on rétorquera invariablement que le Grand Remplacement est un « fantasme » car, vous dira-t-on, « il n’y a aujourd’hui pas plus d’étrangers en France qu’en 1930 ». Autrement dit, il y a autant de Français qu’autrefois (et même, en vérité, beaucoup plus qu’autrefois !). Cela est juridiquement vrai et l’on sait tous pourquoi : la francité étant ramenée à une simple affaire administrative (un coup de tampon sur un morceau de papier), tous les immigrés d’hier (pas encore ceux d’aujourd’hui, mais cela ne saurait tarder), ont pu, par le miracle de la naturalisation, devenir de vrais « Français ». Répétons-le : juridiquement et administrativement, du point de vue du régime et du coup de tampon, ces Français de Préfecture sont véritablement « Français » ! A partir de là, que veut-on dire quand on emploie le mot « Français » ? Voyons les choses en face : le régime a dénaturé notre nom ! Il l’a empoisonné, et les Autochtones ne peuvent plus l’utiliser pour se caractériser spécifiquement et manifester ainsi qu’ils existent de manière distincte. Un nom qui renvoie à un melting-pot renvoie à l’universel et ne saurait désigner le particulier. Bref, le nom « Français » marque un rattachement à une administration d’Etat. Il n’exprime plus comme autrefois une ethnicité, une culture, une religion, un art de vivre, ni même une appartenance à une « nation » historique, charnelle et spirituelle. Il ne signifie plus rien car il a été vidé de sa substance identitaire.
Le fait de remplacer les mots « Français » et « étranger » par les mots « Autochtone » et « allochtone » éclaire brutalement les réalités, notamment celle d’un Grand Remplacement que les sophismes juridico-administratifs ne peuvent alors plus nier. N’importe qui peut observer la rue, ou des photos de classe prises à 30 ans d’intervalle : il y verra de moins en moins d’Autochtones européens et de plus en plus d’allochtones (mais sans doute autant de « Français » !).
A la nécessité de corriger la fraude des mots pour rendre compte objectivement des réalités, il y a une seconde raison à notre emploi du mot « Autochtone » (avec une majuscule, puisque dans notre esprit le mot renvoie à une appartenance nationale). Tout simplement et pour faire court, notre autochtonie, en tant qu’Européens, est un état de fait ! C’est en effet un truisme que d’affirmer que les peuples européens sont les peuples autochtones d’Europe. Tous les autochtones européens sont originaires par voie ancestrale du même espace géographique et civilisationnel européen, dont la France est une partie. L’autochtonie européenne pose, désigne, définit et détermine la nature des autochtones européens, indissolublement liés à une terre et à une civilisation, comme l’autochtonie mélanésienne pose, désigne, définit et détermine la nature des autochtones néo-calédoniens. Renier notre autochtonie revient à renier les liens qui nous rattachent à nos ancêtres et à notre terre, à la terre de nos pères, à notre patrie. Affirmer notre autochtonie revient à se réapproprier la terre et aussi le sang.
Se ressourcer à travers l’autochtonie est une nécessité, d’autant plus que l’autochtonie nous ouvre d’importants horizons stratégiques et légaux. Nous en venons ici à la troisième raison d’être de ce vocabulaire autochtoniste.
On l’a dit, les peuples européens sont les peuples autochtones du continent européen. Or, dans le droit international, être autochtone d’un lieu donne des droits dans ce lieu. La Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones (2007) reconnaît une prééminence culturelle, sociale, religieuse, juridique, voire politique et économique aux peuples autochtones sur leurs terres ancestrales. La loi organique 99-209 relative à la Nouvelle-Calédonie reconnaît ainsi le peuple autochtone mélanésien et lui accorde des droits particuliers sur ses terres.
Voit-on où nous voulons en venir ?
Le mot « Autochtone » lorsqu’il renvoie aux Français de souche européenne ne peut pas être un mot en l’air ou un simple mot de substitution. Il faut peser tout son poids politique, métapolitique, idéologique et aussi juridique. Car ce mot renvoie à l’autochtonie, et l’autochtonie, dans les conventions internationales, implique des droits. Autrement dit, nommer « Autochtones » les Français de souche européenne n’est pas neutre. Cela revient à exiger implicitement qu’on leur accorde les droits contenus dans la Déclaration onusienne. Des droits qui obligent à les reconnaitre en tant que peuple spécifique et distincte du corps d’associés multiethnique (la République). Des droits qui obligent la République à accorder à ce peuple le droit de disposer de lui-même sur ses terres ancestrales. Voit-on bien la portée révolutionnaire du concept ?
Se servir des mots « Autochtone » et « allochtone » pour mieux révéler le Grand Remplacement ou pour distinguer les FDS dans le melting-pot est donc très bien mais n’est pas suffisant. C’est rester à la surface des mots, c’est ne pas utiliser leurs potentialités explosives. Les mots sont des armes. Les mots autochtonistes ne sont pas simplement des manières plus justes de dire les choses : ils portent en eux une stratégie de reconquête et de libération. Ceux qui les emploient, et c’est très bien, doivent comprendre qu’ils portent à leur tour cette stratégie. Et ceux qui les entendent doivent maintenant entendre la clameur d’un peuple qui se réveille.
Antonin Campana