Il n’est pas possible d’avoir un discours cohérent contre le Grand Remplacement si l’on ne remet pas en question le régime républicain qui a violé la France en 1789 !
La République est en effet remplaciste d’une manière structurelle et systémique. Le Grand Remplacement relève mécaniquement de sa mythologie fondatrice.
Première chimère mythologique : considérer le peuple français comme une association « d’individus isolés qui veulent se réunir » sous une « loi commune », c’est-à-dire un « corps d’associés » organisé autour d’un « contrat social » (Sieyès). Cette vue de l’esprit anthropologiquement stupide, historiquement fausse, mais qui est cependant le véritable postulat fondateur du régime, peut, sans doute, rendre compte de la constitution d’une association de pêcheurs à la ligne ou de joueurs de bridge, puisque les membres de ces associations (auparavant « isolés ») se sont effectivement associés dans un « corps » (le « club ») conformément au « règlement intérieur » de celui-ci (qui tient lieu de « loi commune » et de « contrat social »).
Néanmoins, un club n’est ni un peuple ni une nation. Il faut un esprit singulièrement déréalisant pour raconter que le peuple français est un « corps d’associés » cohabitant selon un contrat social, et une bonne dose de sottise pour prétendre que ledit contrat est taillé à la mesure de l’Homme lui-même, et qu’en conséquence il peut convenir à tous les hommes !
Le «corps d’associés » a juridiquement remplacé le peuple français historique le 14 juillet 1790 lors de la fête de la Fédération qui scelle le « pacte républicain ». Il s’agit bien d’un Grand Remplacement ! Le premier ! Un remplacement en Droit, justifié par la mythologie de la construction de la nation. C’est une extermination symbolique, puisque le peuple réel est juridiquement effacé au profit d’une construction imaginaire qui prend sa place. C’est ce premier Grand Remplacement qui rend possible le remplacement que nous vivons actuellement. Celui qui n’a pas compris cela n’a pas compris la raison profonde de la catastrophe historique que nous connaissons aujourd’hui.
Le pacte républicain, fondé sur le principe d’universalité, obligeait à progressivement refouler dans la sphère privée les normes identitaires spécifiques des Français. Il fallait organiser le fonctionnement social et politique selon des valeurs universelles qui ne renvoient à aucune culture particulière. Le principe de citoyenneté n’autorise « aucune distinction » (entre autochtones et allochtones !) déclare ainsi le député Adrien Duport, l’un des rédacteurs de la déclaration des droits de l’homme. Conscient des conséquences de ce changement de paradigme, il précise : « les Turcs, les Musulmans, les hommes de toutes les sectes sont admis à jouir en France des droits politiques » (Discours devant l’Assemblée, 1791).
Dans ses principes, le « corps d’associés » forme en effet une « société ouverte ». L’unique condition pour le rejoindre est d’accepter le contrat social qui unit ses membres. Dès 1790, on ouvrira ainsi le corps d’associés aux Juifs, puis, à partir de 1795, aux populations européennes conquises par les armées révolutionnaires.
La colonisation doit s’analyser, elle-aussi, comme un processus (avorté) d’ouverture du corps d’associés aux peuples colonisés. Pour le comprendre, il faut lire notamment les ouvrages d’Arthur Girault, fondateur du droit colonial républicain. Girault le dit sans ambages : « Quoi de plus naturel […] que de transporter les Droits de l’homme au-delà des mers ? ». Et d’ajouter : « les habitants des colonies doivent avoir les mêmes droits, les mêmes garanties, les mêmes libertés que ceux de la métropole. Ils bénéficient de la même législation civile, ils sont placés sous la sauvegarde des mêmes principes constitutionnels, ils sont citoyens, électeurs, et envoient, comme les autres, leurs représentants siéger dans les assemblées ». L’objectif final ? : « en faire des Français comme les autres » ! Et si l’on n’y parvient pas, écrit Girault, si les colonisés se montrent « réfractaires » aux principes uniformisateurs du corps d’associés : « alors, pour les empêcher de jeter une note discordante au milieu de l’uniformité générale, on les extermine et on les refoule ». C’est de la même logique que procédait le génocide vendéen !
Deuxième chimère mythologique : un associé quel qu’il soit et d’où qu’il vienne est entièrement Français dès lors qu’il a accepté le contrat qui le rend Français à part entière. L’appartenance est strictement juridique, elle n’est plus liée à l’identité, et encore moins à la lignée.
L’affaire Dreyfus impose définitivement ce principe.
La question de l’innocence ou de la culpabilité du Capitaine n’est en effet pas la question centrale de l’Affaire. Deux conceptions se font face : il y a ceux qui pensent que l’association (l’intégration) sur une base juridique (contractuelle) fait de « vrais Français », loyaux et fidèles ; et il y a ceux qui estiment qu’on ne peut être un « vrai Français », loyal et fidèle, si l’on ne participe pas intimement de l’identité qui a fait la France. Dreyfus innocent, c’était valider la nation comme corps d’associés. Dreyfus coupable, c’était la remettre dangereusement en cause.
Par l’innocence de Dreyfus, le régime a donc établi définitivement que l’appartenance juridico-administrative au « corps d’associés » supplante l’appartenance identitaire à un peuple, quel qu’il soit (le peuple juif dans le cas de Dreyfus). La francité (qu’est-ce qu’être Français ?) se réduira à un ensemble de critères administratifs décidés par des politiciens (code de la nationalité), dont l’application sera confiée à des fonctionnaires. L’identité réelle des Français « canal historique », entrave à l’universalisme républicain, trace et preuve du crime commis contre un peuple qui fut, sera progressivement refoulée, niée et effacée. Génocide culturel ?
Troisième chimère mythologique : les quantités ne comptent pas. Les conquêtes révolutionnaires comme la colonisation indiquent une volonté d’ouvrir le corps d’associés au « genre humain » tout entier. C’est le rêve d’une « République universelle » poursuivi par tous les républicains qui, tels Anarchasis Cloots, ne voient que des avantages à la dilatation du corps d’associés, par l’immigration de peuplement s’il le faut (« Tous les individus se précipiteront dans le sein de la république des individus unis, dans les bras du genre humain », Discours, 1792).
Un corps d’associés n’étant qu’un agrégat de « citoyens », c’est-à-dire de contractants égaux et interchangeables, rien ne s’oppose théoriquement à l’accroissement continuel de celui-ci. Cela va de soi pour tous ceux qui se situent dans une optique mondialiste, ou plus prosaïquement pour ceux qui entendent neutraliser par le nombre des autochtones en mal d’identité, voire pour ceux qui désirent procurer à l’oligarchie une main d’œuvre bon marché.
L’immigration de peuplement provoque ainsi le second Grand Remplacement : remplacement ethnique qui fait écho au remplacement en Droit de 1790. Extermination réelle qui répond à l’extermination symbolique.
Il faut avoir conscience que c’est le remplacement en Droit qui rend possible et « légal » le remplacement ethnique ! Ou encore, que c’est le remplacement en Droit qui permet de nier le remplacement ethnique : on ne saurait remplacer le peuple autochtone puisque juridiquement celui-ci n’existe pas… ou plutôt n’existe plus. Dans un club de pêcheurs à la ligne, l’arrivée de nouveaux adhérents ne remplace pas les membres plus anciens : elle enrichit l’association, comme l’immigration « enrichit » le corps d’associés !
Je le répète : tous ceux qui dénoncent le Grand Remplacement sans remettre en cause la République se disqualifient pour apporter des solutions. Ils n’ont tout simplement rien compris.
Antonin Campana