Une remarque préliminaire : on ne connaît pas les guerres de religion dans l’Antiquité, sauf dans le monde hébraïque, où l’extermination des peuples se justifie par la parole d’un dieu.
En Europe, à Rome ou Athènes notamment, des religions différentes coexistent pacifiquement. Signe de cette tolérance, Athènes rend un culte au « dieu inconnu » (Agnostos Theos), de même que Rome, où il existe un sanctuaire dédié à ce dieu énigmatique. Des croyances différentes n’offusquent donc personne et peuvent vivre en bonne intelligence.
L’arrivée des immigrés judéo-chrétiens change totalement la donne. En effet, ce n’est pas un nouveau dieu qui arrive avec eux : c’est le « Dieu unique », le seul « vrai Dieu » ! Tous les autres dieux sont des « faux dieux », voire des démons. Il ne s’agit plus de les respecter mais de les détruire. Cette religion intolérante, totalement inadaptée aux mentalités européennes, va s’imposer d’une part par la violence, et d’autre part en intégrant en partie les religions traditionnelles des Européens. Par la nature tricéphale donnée au Dieu unique (Trinité), par l’absorption du culte de la Déesse mère (culte marial), par la présence d’anciens dieux devenus des « Saints », par la récupération des vieilles fêtes païennes (solstices, samain…)… le monothéisme intransigeant va ainsi se transformer en une sorte de polythéisme. Cependant, en n’allant pas jusqu’à rejeter l’Ancien Testament, le christianisme européanisé gardera en lui l’intolérance des religions du désert.
La diversité religieuse dans l’empire romain vers la fin de la République, et plus encore, puisque plus conflictuelle, vers le IIIe siècle, quand le monothéisme chrétien s’affirmera, exigeait un facteur unificateur pour que l’Empire garde sa cohésion. Ce sera le culte impérial.
Vincent Peillon, ancien ministre de l’Education « nationale », considère la laïcité prônée par le régime comme une « religion », dont les écoles seraient les églises et les professeurs les prêtres. Le culte impérial tient exactement à Rome cette fonction de « religion laïque ». Ce culte institue rituellement le respect d’un ordre politique, incarné par L’Empereur, père de la patrie, seul à même d’assurer l’unité de l’Empire, son bien-être, et une paix civile fondée sur la tolérance religieuse. Refuser le culte impérial n’est pas de l’ordre de l’hérésie religieuse mais de l’ordre de la rébellion politique. Les chrétiens qui récusent le culte impérial mettent en danger la cohésion de l’Empire, comme les musulmans qui récusent aujourd’hui la religion laïque mettent en danger la République.
On voit bien ici la fonction de la laïcité : proposer une transcendance politique qui surplombe les divisions religieuses et culturelles, qui rassemble autour d’elle, qui unifie et donne de la cohésion à ce qui n’en a pas. Peu importe que cette transcendance s’appelle l’Empereur, l’Empire, l’Etat, la République, les valeurs de la République, la France, le Roi… car la fonction est toujours la même.
La laïcité est donc avant tout une méthode. Une méthode politique sensée rendre possible le « vivre tous ensemble ». Mais c’est aussi une croyance : une croyance en l’efficacité de cette méthode, d’où sa nature religieuse, si l’on en croit un Vincent Peillon. Finalement, la laïcité est un pari. Un pari sur lequel se joue le destin d’un peuple. Et c’est là que les choses ne vont plus.
Le culte impérial a été imaginé par Auguste à une époque où Rome était déjà submergée par des masses importantes d’allochtones apportant avec eux des cultures et des religions venues du monde entier. La « laïcité » était une réponse politique au risque de fractionnement de la Cité.
La laïcité républicaine au contraire ne suit pas, mais précède, l’arrivée massive des allochtones. Elle n’est pas une conséquence de la submersion, mais sa légitimité. Le terme « laïcité » apparaît dans les années 1870, mais l’idée est contenue dans l’idéologie républicaine de la période révolutionnaire qui prétend pouvoir rassembler tout le genre humain autour de valeurs universelles transcendant les identités spécifiques. Ayant foi en cette idée saugrenue, la République n’a vu aucune objection à l’arrivée massive de populations immigrées. Les républicains ont en effet réellement cru que la neutralité de l’Etat en matière religieuse (et bientôt culturelle) leur permettrait d’organiser une société harmonieuse bien que diverse, une société ouverte dont toutes les composantes respecteraient le régime en place. Malheureusement pour la République, la religion laïque a trouvé ses musulmans, comme le culte impérial a trouvé ses chrétiens.
On sait ce qu’il advint du culte impérial. L’Edit de Milan (313) permet aux chrétiens de ne plus révérer l’Empereur. Puis dans le même temps, sous Constantin Ier, le culte impérial prend fin et le christianisme devient religion d’Etat. Commence alors la dévastation des temples, la destruction des statues et la persécution des païens. C’est une règle qu’il faut connaître : les monothéismes ne supportent pas l’existence d’une transcendance supérieure à la leur. Ce qui pouvait fonctionner au temps d’Auguste, alors que le christianisme n’existait pas encore, ou en 1905, époque de basses eaux religieuses, ne fonctionne déjà plus sous Constantin, bien que les chrétiens composent à peine plus de 10% de la population de l’Empire, et ne fonctionne pas davantage aujourd’hui, alors que les musulmans constituent presque 10% de la population de la France. C’est ainsi, la laïcité est une méthode dont l’efficacité est inversement proportionnelle à la vigueur des croyances religieuses, surtout si celles-ci prétendent détenir la Vérité, la seule qui soit. L’histoire ne repasse peut être pas les plats mais elle les fait réchauffer quand on méprise ses enseignements : la laïcité ne sauvera pas davantage la République « française » qu’elle n’a sauvé l’Empire romain.
La différence entre Auguste et les dirigeants républicains est que le premier a cherché une solution à l’hétérogène et que les seconds l’ont délibérément provoqué. Ceux-là sont coupables d’avoir joué le destin d’un peuple en pariant sur l’efficacité de la laïcité. Or, la méthode était mauvaise et ils ont perdu. Il faudra rendre des comptes.
Une question se pose toutefois, d’un point de vue autochtoniste : faut-il quand même soutenir la laïcité ? Faut-il soutenir une croyance déjà condamnée par les faits ? Faut-il soutenir une foi qui suppose une ingénierie sociale destructrice du droit des peuples à faire société selon leur identité particulière ? Faut-il alimenter de notre énergie le moteur d’une entreprise destinée à nous gommer ?
Trois fois non :
Non, parce que la laïcité n’est pas notre affaire. C’est celle du régime. Celui-ci a créé un monstre social, qu’il se débrouille avec lui, et tant mieux s’il se fait dévorer. Pour que la laïcité fonctionne (un temps), il faut un pouvoir fort (celui d’Auguste par exemple) et des croyances faibles. Aujourd’hui, le pouvoir est faible et l’islam est fort. La méthode ne marche que si les monothéismes sont assoupis, le réveil de l’islam signe donc la fin de la religion laïque. Notre peuple a son propre destin, il ne doit pas être solidaire de ce qui le tue, et qui par ailleurs est déjà condamné par les faits.
Non, car si la religion laïque s’imposait face à l’islam, si elle parvenait par miracle à accoucher d’une société à la fois harmonieuse et hétérogène, alors le processus de remplacement de notre peuple irait sans obstacle jusqu’à son terme. La République serait le cercueil de notre peuple et la laïcité serait le poison qui l’y a entraîné.
Non, car les peuples européens ont comme tous les peuples le droit imprescriptible et sacré à un Etat non-neutre, un Etat-outil au service du peuple et de son identité particulière. La « neutralité de l’Etat » signifie que le peuple a été privé d’un instrument essentiel à son affirmation identitaire et à sa liberté. Cette dépossession entraînera l’effacement des peuples aliénés, mais elle provoquera aussi la résistance des peuples conscientisés. Ceux-ci n’auront de cesse de forger un Etat parallèle qui exprimera et défendra leur identité particulière. Car la laïcité n’est pas une religion. C’est une secte : une secte qui aux peuples propose un suicide collectif !
Antonin Campana