Le titre de cette note peut paraître paradoxal, voire incongru. Que rapport y-a-t-il entre Bilal Hassani et les Gilets jaunes ? Directement, il n’y a en a aucun, symboliquement et au niveau de la communication, il y en a beaucoup !
Bilal Hassani est un être (je n’ose dire un “homme“ : un humain, un humanoïde, une entité peut-être ?), qui n’est pas plus d’ici que d’ailleurs, qui est moins de quelque part que de n’importe où, qui n’est ni homme ni femme, ou plutôt à la fois homme et femme, qui croit sans doute en une vague déité faite sur mesure mais certainement pas aux dogmes d’une religion, bref Bilal Hassani est un être qui correspond parfaitement à l’individu mondialisé dont la classe supérieure voudrait l’avènement. Bilal Hassani est un digne représentant de la culture sociétale dévoyée des grandes métropoles. Il a été choisi (libre à vous de penser qu’il a été élu, si vous croyez naïvement qu’il ait pu l’être), il a été choisi donc, par une élite urbaine d’hommes efféminés, chétifs et délicats et de femmes « qu’on a envie d’appeler monsieur ». Dans cette classe supérieure homosensible, les rares hommes qui aiment encore la féminité ne peuvent la trouver dans leur milieu, où il n’y a que de petits coqs castrés, et s’en vont la chercher en Asie où les femmes, pensent-ils au fond d’eux-mêmes, tout en prétendant le contraire, sont encore de vraies femmes. Tout le reste de cette classe supérieure est composé d’une engeance mi-femelle, mi-mâle, une engeance de femâles qui annonce une humanité nouvelle, mais sans avenir, à l’opposé de celle que l’on rencontre dans la France périphérique et dans les banlieues.
Cette classe supérieure de babtous fragiles et de femmes viriles a donc choisi Bilal Hassani ! Comprenez bien : dans le contexte du mouvement des Gilets jaunes, cette classe supérieure, qui dispose de tous les leviers de pouvoirs, à la fois médiatiques, politiques et culturels, qui invite à l’Elysée des folles du bois de Boulogne, a choisi, pour représenter la France, un individu qui est aux antipodes de la France périphérique, cette France des « déplorables », des « sans-dents » et des Gilets jaunes que l’élite urbaine politico-médiatique décrit précisément comme « raciste, sexiste et homophobe ».
Le message délivré est donc très clair et doit être entendu : « on vous pisse dessus ! ». Bilal Hassani, queer arabe, homosexuel et transsexuel est une réponse des élites parisiennes aux Gilets jaunes « racistes, sexistes et homophobes ». C’est une réponse pleine de mépris de classe, c’est une humiliation.
Mais c’est aussi l’affirmation à peine masquée de leur victoire de classe. Macron n’a rien concédé et semble avoir repris la main avec son grand bavardage. Les Gilets jaunes paraissent moins nombreux, moins offensifs et plus divisés que jamais. Le contentieux entre les « forces de l’ordre » et les Gilets jaunes est tel que les flics seront contraints de toujours se comporter en fidèles larbins des classes dominantes. Le monopole de la violence légitime, mâchoires brisées et œils crevés, reste entre les mains de l’Etat, c’est-à-dire des classes supérieures. Pire sans doute : les Gilets jaunes restreignent leurs propos à ce qui est acceptable et audible, pour les classes dominantes. Terminés les propos sur l’immigration, le pacte de Marrakech ou l’Union européenne. Cela signifie que les Gilets jaunes ont admis la supériorité morale des classes supérieures, donc le droit de ces classes à exercer le pouvoir. Cela signifie que la défaite des Gilets jaunes est quasiment actée.
Le choix de Bilal Hassani pour représenter la France procède donc d’une volonté d’humilier encore davantage les classes populaires autochtones diabolisées. Ce choix donne une leçon de morale humaniste aux déplorables et aux foules haineuses, racistes et homophobes. Soit ces foules reçoivent la leçon et elles concèdent alors la supériorité morale des classes dominantes, soit elles la refusent et elles seront alors enfermées dans la description avilissante que les classes dominantes font d’elles. Les psychologies sont averties : soit la soumission, soit la diabolisation.
En choisissant Bilal Hassani, les classes dominantes cosmopolites manifestent leur pouvoir et obtiennent une incontestable victoire de communication. Elles manipulent. Ce choix et cette victoire doivent être mis en relation avec l’affaiblissement globale du mouvement des Gilets jaunes. Le Pouvoir pense avoir gagné et il ne se gêne plus. De fait, à moins d’une remobilisation des Gilets jaunes, sous l’action de quelque évènement extérieur au mouvement, nous pouvons raisonnablement penser que maintenant les jeux sont faits. Bilal Hassani restera le symbole d’une victoire de la classe dominante apatride. Une victoire temporaire.
Antonin Campana