Quelle est la vraie raison du vote FN ? Inutile de se mentir : elle a pour nom « intérêt personnel » ! Qui n’a pas dans son entourage une connaissance ayant toujours voté « républicain » et qui depuis peu, parce qu’elle vient de faire connaissance avec les joies du « vivre ensemble », se met à glisser un bulletin pour le Front National ? Pourquoi la carte de l’immigration et celle du vote FN sont-elles superposables ? Finalement, les gens votent FN comme ils votaient PS ou UMP : en regardant leur propre intérêt. Pour le reste…
Cela a quelque chose de désespérant. Quelle valeur accorder à un peuple incapable de solidarité, incapable de se projeter dans l’avenir, incapable même de penser à sa descendance ? Un tel peuple vaut-il le coup qu’on se batte pour lui, qu’on lui consacre une partie de sa vie, qu’on se sacrifie comme l’ont fait ceux de Poitiers, de Lépante, du Champ des Merles ou de Verdun? Un tel peuple mérite-t-il cette minorité bafouée et moquée qui depuis plus de 40 ans sonne le tocsin, s’expose, lutte et souffre de voir une histoire prestigieuse se clore ?
L’histoire des hommes montre que tous les peuples ont eu, aux périodes de décadence, l’insouciance et l’égoïsme du nôtre. Tous les peuples ont eu leurs prophètes bibliques leur demandant de se reprendre, leur annonçant châtiments divins, « filet, piège et fouet » (Josué 23,12-13) s’ils cessaient de marcher sur les voies de leurs pères. Mais ces prophètes de malheur, ces défenseurs de la foi et de l’identité, ne font-ils pas partie intégrante du peuple ? N’en sont-ils pas les gardiens ? Le peuple est donc un tout qu’il faut voir de manière globale : c’est à la fois le troupeau infidèle et les gardiens qui le protègent, c’est de nombreux moutons et aussi quelques bergers. Rien d’autre.
Peut-on en vouloir à un mouton de se comporter comme un mouton ? Et si un mouton tombe de la falaise, est-ce de la faute du mouton ou du berger ? Puis-je reprocher à mon peuple de se comporter comme un agrégat stupide ? Ses gardiens n’ont-ils pas plutôt failli à leur mission ?
Ce n’est pas l’intelligence, la culture, les connaissances, la classe sociale ou le milieu qui font les moutons et les gardiens. Paradoxalement, un mouton peut avoir plus d’intelligence ou de connaissance qu’un gardien. Il peut avoir une meilleure situation sociale. La différence entre un mouton et un gardien est plutôt de l’ordre de l’instinct, du ressenti, de la prédisposition naturelle. On est gardien comme on est artiste ou manuel. Bien sûr, la prédisposition se cultive ou se déclenche, parfois s’ignore, mais personne ne sera gardien, artiste ou manuel s’il n’a en lui le besoin de le devenir. Ce besoin peut être « héréditaire » : il y a ainsi des générations de gardiens comme il y a des générations d’artistes. La noblesse européenne constituait une race héréditaire de gardiens : elle avait le devoir de protéger les valeurs, les structures sociales, la religion, la mémoire, le territoire du troupeau. Elle n’a jamais failli à sa mission jusqu’à son extermination par les loups (révolution française, révolution russe, première guerre mondiale…).
Car il existe aussi une race de loups. Ce sont les loups qui ont détruit l’aristocratie. Ce sont les loups qui s’attaquent à l’identité du troupeau, qui entament sa cohésion en le mélangeant, qui l’attirent aussi vers la falaise du relativisme et de la fin de l’histoire.
Et surtout, ce sont les loups qui neutralisent les gardiens, qui les empêchent de se grouper et de se faire entendre du troupeau. En définitive l’Histoire n’est que la confrontation des loups et des gardiens. Oui, aujourd’hui les loups sont entrés dans Paris : il reviendra aux gardiens de les en faire sortir.
Antonin Campana