4.Vers un Nouvel Ordre Mondial
[L’expansionnisme révolutionnaire, le colonialisme, l’européisme, le mondialisme, procèdent des idéaux de 1789 et de la volonté de créer des blocs homogènes qui à terme fusionneront dans une « république universelle ». C’est pourquoi les républicains se sont toujours ralliés à ces différentes étapes d’un Nouvel Ordre Mondial fondé sur la désintégration des peuples]
Ainsi dès les années 1880, nous voyons s’ébaucher à travers la colonisation, ce que nous appelons aujourd’hui le mondialisme : mépris des peuples, mépris des identités, mépris des appartenances, aspirations à une société sans frontières libre échangiste, uniforme, unifiée, réduite à un marché et soumise à une oligarchie transnationale et à une idéologie construite selon les « principes fondamentaux de la République ». Evidemment la société coloniale est une société fortement inégalitaire, mais ce serait une erreur de sous estimer la sincérité des aspirations à « assimiler », à « civiliser », à fabriquer des « Français », à unir de plus en plus étroitement métropole et colonie : ces aspirations procèdent d’une croyance inébranlable dans les vertus intégratrices de la République. L’idéal est de constituer des blocs transcontinentaux homogènes, à l’imitation du bloc continental créé par la Révolution et l’Empire en Europe : union douanière, réglementaire, économique, monétaire, culturelle, politique, idéologique, militaire...
La décolonisation marque la fin de ces grands blocs impériaux qui, faute d’être homogènes, avaient vocation à le devenir, et la naissance de nouveaux blocs régionaux se construisant selon les mêmes principes et les mêmes aspirations. La construction européenne succède aux entreprises coloniales qui elle-même avait succédé à l’expansionnisme révolutionnaire. Des blocs similaires vont apparaître en Afrique (OUA en 1963, UA en 2002), en Amérique du sud (SICA en 1991, UNASUR en 2008), en Asie (CEAT en 2010), en Amérique du Nord (Union Nord- américaine, 2005). La construction européenne se fera, comme les autres structures régionales, selon des principes que n’auraient pas désavoués le « parti colonial ». L’idéologie européiste a les mêmes prétentions à uniformiser et à homogénéiser que l’idéologie colonialiste. Ici comme là se reconnaît la même volonté de forger une unité économique, douanière, politique, réglementaire, monétaire… établie sur un même socle de valeurs héritées de la Révolution française et soutenue par une même oligarchie transnationale. Nous reconnaissons dans la construction européenne cette alliance sacrée, déjà observée lors de l’expansion coloniale, entre une idéologie universaliste, répandue dans tout l’Occident par la République, et les intérêts oligarchiques. Cela est vrai pour tous les blocs, qui globalement se construisent selon les mêmes principes : libre échangisme, citoyenneté dissociée de l’identité, interchangeabilité entre les individus, uniformité réglementaire et monétaire, laïcité (rationalisation de l’organisation sociale), désintégration des nations et des peuples… A terme, après cette uniformisation transnationale, les blocs régionaux seront tous compatibles et un processus de fusion pourra commencer, aboutissant à une société planétaire homogène et égalitaire, sorte de fourmilière humaine pacifiée et dominée par un « nouvel ordre mondial » au service de l’oligarchie. Le traité transatlantique (TAFTA) illustre parfaitement le processus de fusion qui a commencé entre le bloc européen et le bloc nord-américain destinés à constituer bientôt un bloc euro-atlantique.
Les républicains, fidèles à leurs « valeurs », se sont fort logiquement ralliés à l’européisme comme ils s’étaient ralliés au colonialisme. Dans « l’intégration européenne » ils reconnaissent les « principes fondamentaux de la République » et ils comptent sur l’Union européenne pour réaliser cet universalisme destructeur qu’ils n’ont jamais pu réaliser en plein. Que cela asservisse les peuples au bénéfice de l’oligarchie importe peu : pourquoi remettre en cause une alliance qui au temps béni des colonies était si fructueuse ?
La République de 1789, en ses idéaux et ses principes fondateurs est donc une pièce essentielle du puzzle d’un mondialisme qu’elle aura tenté d’amorcer par trois fois. L’expansionnisme révolutionnaire en Europe participait de ce fantasme mondialiste, ainsi que le colonialisme hier, et l’européisme d’aujourd’hui. Tous trois sortent de la même matrice républicaine. C’est pourquoi, ceux qui s’opposent à Bruxelles sont soupçonnés, à juste titre, de n’être pas « républicain » : Bruxelles est le vrai visage de la République.
Laissons le mot de la fin à Anacharsis Cloots, député de l’Oise qui se voulait « orateur du genre humain », auteur en 1792 de La République Universelle : « l’humanité ou le genre humain ne vivra en paix que lorsqu’il ne formera qu’un seul corps, une nation ».
Pour la petite histoire, le pacifiste Cloots, qui vota la mort du Roi et fit l’apologie du génocide vendéen, fut décapité en 1794. Comme quoi, il ne faut désespérer de rien.
Antonin Campana