[en 1980, l’universalisme républicain place la République dans la situation de 1880. Des populations étrangères forment des sociétés parallèles dont l’existence même apporte un démenti cinglant aux principes républicains. Plutôt que d’admettre enfin l’inanité de ces principes, la République va stigmatiser le peuple autochtone, peuple bouc émissaire rendu responsable de l’échec du « vivre ensemble ». Elle va reproduire contre les Autochtones le système d’avilissement qui accablait les Juifs et ainsi, ventre de la bête immonde, accoucher de l’antijaphétisme].
3. A la recherche d’un nouveau peuple bouc émissaire : naissance de l’antijaphétisme
N’ayant rien appris de son incapacité à intégrer des peuples étrangers, déjà oublieuse de son passé antisémite, la République allait se crisper sur ses principes, malgré les monstruosités qu’ils avaient engendrées. Incapable d’abandonner un projet universaliste pourtant cause d’exclusions, elle allait ainsi organiser une immigration massive de populations extra-européennes. Il faut noter que cette immigration organisée faisait suite à une décolonisation subie, c’est-à-dire à un autre échec du projet universaliste républicain. En fait, la République avait l’illusion extraordinaire de pouvoir imposer à des populations étrangères immigrées les « valeurs » qu’elles avaient refusées lorsqu’elles étaient colonisées. Ce que la République omnipotente n’avait pas réussi à faire « chez eux », elle le ferait « chez nous », en installant ces étrangers au milieu du peuple autochtone. L’occultation des faits, conjuguée à une obstination toute républicaine ont fait qu’une nouvelle fois, on le sait, la République s’est retrouvée en situation d’échec complet (échec pudiquement baptisé « échec des politiques d’intégration »). En fait, dès 1980-1990, la République revivait la période 1880-1890, à la différence près qu’elle n’avait plus affaire à une petite minorité juive mal assimilée, mais à une masse humaine hétérogène composée de 15 à 20 millions d’individus. Comment allait-elle réagir ?
La République a vécu l’affaire Dreyfus comme un électrochoc sidérant. Depuis, s’enfonçant dans le déni, elle se refuse à voir autre chose que l’Homme derrière les hommes et aujourd’hui fait semblant de ne pas compter plus d’étrangers en France qu’en 1930. Néanmoins, la réalité étant têtue, il lui faut soit assumer l’échec de son projet intégrationniste, donc encore une fois l’absurdité de son universalisme et de ses fondements, ce qui équivaudrait à un suicide, soit l’imputer à d’autres. En 1880, les républicains s’étaient élégamment défaussés sur la « juiverie ». Mal leur en avait pris et ils en avaient tiré les leçons : il leur serait désormais impossible de faire reposer sur des étrangers plus ou moins solidaires les résultats désastreux de leurs idéaux chimériques.
Ne pouvant nier une réalité évoluant vers l’épouvantable, ni accepter que la République en soit tenue pour responsable, ni accuser les populations étrangères, il ne restait plus que le peuple autochtone pour endosser le rôle de bouc émissaire. Celui-ci avait l’avantage de n’être ni organisé, ni représenté (si ce n’est, illusoirement, par les républicains qui s’apprêtaient à le sacrifier) : il serait donc la victime idéale.
Dès les années 1970 une idéologie républicaine très proche de l’idéologie antisémite allait se construire et rabaisser de manière croissante les Autochtones. Aujourd’hui cette idéologie est aboutie, elle s’exprime pleinement dans tous les domaines investis par la République (médias, Justice, social, Ecole…) et il n’est pas difficile d’en reconnaître certains marqueurs.
Tout d’abord, c’est la clé de voûte du système d’avilissement, les « Français de souche » n’existent pas. Comme les Juifs en 1880, ces Autochtones (qui n’existent pas) doivent supporter des qualificatifs rabaissant avec l’approbation de la justice républicaine qui se refuse à sanctionner. Ainsi les tribunaux ont-ils décrété qu’il n’était pas insultant pour un Autochtone de se faire traiter de « sous-chien », de « cul blanc », de « face de craie », de « sale blanc »… car la « blancheur » ou la « race blanche » sont des expressions qui, comme « Français de souche », ne renvoient à aucune réalité légale (pas davantage, d’ailleurs, que des expressions comme « juiverie » ou « youtrerie » en 1880).
Comme les Juifs en 1880, les Autochtones peuvent être accusés sans honte de prendre les meilleures places, voire toutes les places, dans la presse, à la télévision, en politique, dans la finance, dans l’économie… Il est possible dans un tel contexte racialisé de faire une discrimination qui favorise les « minorités visibles » allochtones (qui défavorise donc les Autochtones « blancs »). Au nom de cette « discrimination positive », tel dirigeant de grande entreprise peut, sans être condamné, se vanter publiquement de discriminer les Blancs à l’emploi (Anne Lauvergeon, présidente d’Areva).
Les « Français de souche » n’existent pas… mais si l’on substitue le mot « Juif » à tout ce qui les désigne explicitement ou implicitement, nous allons très vite retrouver le climat nauséabond des années 1880. Comme les Juifs hier, les Autochtones sont aujourd’hui comptables de tout et on peut sans risque les accuser. Ils doivent tout accepter. Si les immigrés ne trouvent pas de logement, c’est la faute des Autochtones. Si les immigrés ne trouvent pas de travail, c’est la faute des Autochtones. Si les jeunes immigrés sont refoulés des établissements de nuit, c’est la faute des Autochtones. Si les immigrés vivent dans des ghettos insalubres, c’est la faute des Autochtones. Si les immigrés « niquent la France », c’est la faute des Autochtones…
Comme dans tout système d’avilissement, le peuple bouc émissaire est responsable de tout. Le cœur du système est le « racisme » supposé des Autochtones. C’est lui qui explique tout : les discriminations (des étrangers par les Autochtones), l’islamophobie, les frères Kouachi, le désespoir compréhensible d’une jeunesse allochtone qui « ne peut s’intégrer », l’échec des politiques d’intégration et du « vivre ensemble ». La République n’est responsable de rien, le peuple autochtone de tout. Ce n’est pas l’irréalisme du projet républicain qu’il faut remettre en cause, mais les comportements xénophobes des Autochtones.
On comprend que la République a un intérêt tout particulier à appuyer ces fables, à leur donner de la « consistance » et surtout de la crédibilité. C’est pourquoi la République promulgue des lois antiracistes (exclusivement tournées contre les Autochtones) et des lois mémorielles (pour que les Autochtones ne puissent nier leurs « crimes »). C’est pourquoi la justice républicaine est fortement discriminatoire : intransigeante devant le comportement raciste d’un Autochtone, indulgente devant celui d’un Allochtone. C’est pourquoi la République soutient les associations antiracistes (équivalents modernes des ligues antisémites d’autrefois), dont le seul objet est de faire taire par la terreur. C’est pourquoi les républicains parlent « cordon sanitaire » face aux revendications autochtones. C’est pourquoi l’école républicaine falsifie l’histoire des Autochtones, donnant artificiellement à leur « racisme » une profondeur historique… Les tests de discrimination (« testings »), les projets de « CV anonyme », la loi sur les « actions de groupe »… accusent les Autochtones et valident un système de représentation dont le seul objet est de faire des Autochtones les boucs émissaires passifs d’un système républicain en perdition.
Tout un système idéologique, juridique, institutionnel, médiatique, politique, économique et mafieux s’est mis en place pour avilir l’Autochtone et ainsi exonérer la République de ses responsabilités dans l’échec de son modèle de société. C’est évidemment un système raciste mais on ne peut le définir simplement comme « anti Blanc ».
En effet, parler de « racisme anti blanc » nous paraît réducteur dans la mesure où le racisme est d’abord une pulsion irrationnelle, intellectuellement peu construite, similaire à ce que l’on peut rencontrer dans le monde animal. Le racisme que nous décrivons est au contraire « pensé ». C’est un système explicatif construit qui fait appel à une histoire falsifiée (la traite négrière, le colonialisme, le fascisme…), à un discours sociologisant orienté (les discriminations, les banlieues ostracisées, l’exploitation des immigrés…), à un avilissement calculé (avilissement moral, avilissement de la lignée, enseignement du mépris…), à un système juridique inégalitaire... C’est une grille de lecture d’une société en désagrégation qui donne à celui qui l’utilise une réponse évidente quant aux causes et aux responsables. C’est un système raciste construit pour diaboliser et inférioriser un groupe ethnique bouc émissaire et exonérer la République. Ce système est structuré comme l’antisémitisme républicain d’autrefois. Nous le nommons « antijaphétisme ».
(A suivre)
Antonin Campana