Les attentats de Paris ont donné l’occasion au régime de montrer une nouvelle fois sa maestria en matière de communication et sa capacité extraordinaire à masquer les faits derrière une représentation falsifiée des réalités. Les premières cartouches de Kalachnikov venaient à peine d’être tirées que les manipulateurs patentés, journalistes, hommes politiques, commentateurs de tous poils... développaient « spontanément » et avec une belle unanimité une rhétorique exposant que désormais nous étions « en guerre ». Cela dénotait à l’évidence l’action des agences de communications gouvernementales qui avaient anticipé bien avant l’évènement la manière de le conter. Semblant justifier la rhétorique guerrière, nos avions bombardaient rapidement « Daesh », dont des commentateurs avertis exposaient la puissance militaire, le PIB (2 milliards), les « institutions » (le système de santé, les Finances…), faisant croire que « l’Etat islamique » contre qui nous entrions en guerre était un véritable Etat. Pour parachever le tout, on nous expliquait que les terroristes avaient agi de manière « professionnelle », qu’ils avaient été « formés » et « envoyés », bref qu’ils étaient en quelques sorte des commandos téléguidés par une puissance étrangère hostile.
En fait, ce qu’on a voulu nous faire croire ces derniers jours, c’est que la France était agressée de l’extérieur, à partir d’un autre Etat, celui précisément que nous allions bombarder.
Si l’on y regarde de plus près, cela ne correspond pas à la réalité. Les terroristes sont nés en France (ou en Belgique ce qui revient au même), ils sont pour la plupart « Français » (ou « Belges »), ils ont grandi en France, ont été scolarisés en France, certains ont été des discriminés positifs ayant travaillé dans des entreprises publiques ou semi-publiques. Le « professionnalisme » évoqué laisse lui aussi fortement à désirer. Le « cerveau » du groupe est filmé en train de franchir frauduleusement le portique d’une station de métro (au risque de se faire arrêter, voire reconnaître, ce qui a été le cas), il loge même dans le même appartement que sa « cousine » notoirement fichée et surveillée. Ses comparses vont en opération avec leur passeport, ne cachent pas leur nom et cherchent bêtement à s’introduire dans un stade dont les entrées sont, en raison des hooligans, plus filtrées que celle d’un ministère. Leurs ceintures d’explosifs sont de facture très artisanales et leur efficacité meurtrière est très limitée (rien à voir avec celle des « kamikaze » Syriens, Libanais ou Irakiens). Les Kalachnikovs dont ils sont équipés sont des armes « locales » que l’on trouve facilement dans « nos » cités « sensibles ». Bref en fait de « professionnels », tout montre que nous avons à faire à une bande de bras cassés nés dans nos contrées, possédant notre nationalité, bricolant des engins explosifs à partir de produit achetés dans nos commerces (et non importés d’un Etat étranger), équipés d’armes trouvées dans nos banlieues et agissant avec une intelligence très basique. La conclusion qui s’impose est que les attentats, même s’ils ont été revendiqués par « Daesh » ne sont pas un problème « extérieur » mais un problème « intérieur », que la « guerre » dont il s’agit est moins une guerre menée par un ennemi extérieur qu’une guerre menée par des ennemis intérieurs, bref, qu’il s’agit en fait, si l’on veut rester sur le registre de la « guerre », d’une guerre civile.
On pourrait penser que la rhétorique guerrière, ce discours sur le caractère « professionnel » des terroristes comme les bombardements sur la Syrie ont pour objectif d’atténuer la faillite des services de renseignements intérieurs. Il n’en est rien. L’objectif de cette représentation falsifiée de la réalité des attentats est de préserver un modèle de société et un régime politique.
Nous avons déjà expliqué dans ce blog que les identités s’excluent mutuellement et ne peuvent cohabiter longtemps si elles sont trop éloignées. La République (au sens large, nous parlons ici du système adopté par le monde occidental) a fait le pari du contraire. Elle a postulé, sans jamais le démontrer, qu’elle avait en quelque sorte extrait le plus petit dénominateur commun à toutes les identités et qu’elle pouvait, sur la base de ce PPDC universel, organiser une coexistence harmonieuse, pacifique et mutuellement enrichissante de toutes les identités. Les attentats révèlent qu’elle a perdu ce pari.
La rhétorique guerrière permet donc au Système de masquer l’échec de son modèle de société. L’objectif de cette rhétorique est de nous faire croire que ce modèle est attaqué de l’extérieur, à partir de l’Etat islamique, alors que nous assistons à son éclatement du fait de forces centrifuges internes. Ainsi, le Système n’a pas à assumer ses responsabilités pourtant indiscutables dans les attentats (les identités obéissent aux mêmes lois que la chimie : certains mélanges sont instables. Il faudrait qu’une discipline s’intéresse sérieusement à cette « ethnochimie ». Mon voisin traduisait cela à sa façon : « les chrétiens et les musulmans, c’est très bien séparément, disait-il. Mis ensemble, ça vous pète à la gueule »). La rhétorique guerrière légitime d’autre part un Etat de plus en plus policier et contraignant, nécessaire pour briser la résistance des peuples et permettre au régime de se maintenir. Le terrorisme n’est donc pas un problème pour la République (comme l’atteste d’ailleurs sa politique en faveur des migrants, source prévisible de « problèmes » à venir). Au contraire, il dessert les identités et permet des lois pour mieux les contrôler. Il justifie une sortie de la démocratie, processus déjà entamé avec l’Union Européenne.
Il ne faut pas se laisser abuser par la narrative républicaine sur les attentats. Nous ne sommes pas face à une guerre mais dans une société artificielle qui se décompose. François Hollande, qui gagne 7 point dans les sondages (ce qui montre bien le degré d’aliénation des Français !), préside le régime politique à l’origine de cette société contre-nature. La politique qu’il mène conformément aux principes de ce régime conduira mécaniquement à toujours plus de terrorisme et à toujours plus de lois répressives. Pour préserver un régime politique absurde, nous nous acheminerons donc inéluctablement vers toujours plus de violence et toujours moins de libertés.
Antonin Campana