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Terre Autochtone

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Le blog des aborigènes d'Europe, par Antonin Campana


Ponérologie (2) : Et puis vint Satan…

Publié par Antonin Campana sur 13 Octobre 2015, 13:47pm

Catégories : #PONEROLOGIE

Ponérologie (2) : Et puis vint Satan…

[Selon la Bible, la Création repose sur la capacité divine à discriminer et à séparer. Au contraire, l’action de Satan consiste à abolir les séparations et à mélanger ce que Dieu avait séparé. Le but de Satan ? Le retour au chaos originel !

NB : Vous trouverez nos autres textes « ponérologie » dans la catégorie « Ponérologie » de ce blog. Il est recommandé de les lire dans l’ordre de parution].

 

 

     Nous avons vu (Ponérologie 1) que selon la Bible Dieu crée en distinguant et séparant les éléments. Le mot « séparation » évoque irrésistiblement l’idée de rupture, de distance, d’obstacle, de barrière, de limite, de frontière voire de licenciement (on se sépare d’un employé), toute chose très négative à l’heure où il faut « construire le vivre ensemble » et « accepter la différence » jusqu’à ne plus la distinguer. Circonstance aggravante, l’étymologie renvoie au latin separare : « mettre à part, distinguer ». De là à agiter le spectre de l’apartheid, il n’y a qu’un pas.

     Pourtant, si l’on en croit la Bible, le monde n’existerait pas sans les séparations et les distinctions opérées par Dieu. Pire peut-être, pour la bien-pensance, le monde ne serait finalement que séparations et distinctions, et son contraire, le chaos, que mixité, mélange et confusion.

 

    Dieu a donc créé l’homme à son image, l’entendement en moins. De fait, l’homme est nu mais n’en a pas conscience. A quoi lui servirait d’ailleurs la Raison ? L’homme est dans un paradis, sans nul besoin à satisfaire, sans nul défi à relever. Il est dans l’intimité avec son créateur, jouisseur d’un monde merveilleux fait pour le combler. Dieu, d’ailleurs, ne lui demande presque rien : les grands commandements, les grandes règles ne viendront que plus tard, lorsque l’homme aura acquis les capacités nécessaires pour les comprendre.

     Pour le moment, Dieu n’attend qu’une chose de l’Homme : qu’il respecte une instruction divine très simple, mais cruciale pour son avenir, à la portée de sa jeune conscience, une instruction qui l’oblige à « distinguer ».

    Dans son jardin d’Eden en effet, Dieu a mis des arbres. L’homme peut prendre de leurs fruits à sa guise. Cependant, parmi tous ces arbres Dieu distingue un arbre, un arbre particulier qui a le pouvoir extraordinaire de donner une connaissance prodigieuse. Il demande à l’Homme d’intégrer cette distinction : « de tous les arbres du jardin tu peux manger, mais de l’arbre de la connaissance du bien et du mal tu n’en mangeras pas ».

    Ainsi, on le voit par la simplicité de la tâche, l’Homme n’est pas en mesure de comprendre les grandes séparations/distinctions qui ont présidées à la création du monde. Son intelligence, ses capacités de raisonnement ne le lui permettent pas encore. On lui demande seulement de distinguer un arbre de tous les autres, de ne pas agir avec cette arbre comme avec les autres, de respecter la décision de Dieu qui l’a placé à part, bien en évidence au milieu du Jardin, qui l’a séparé du reste de son « espèce ». 

     C’était sans compter sur le « serpent », incarnation du Diable, être intelligent, informé de la situation comme du pouvoir extraordinaire de l’Arbre, accusateur de Dieu qu’il décrit comme menteur et jaloux des hommes. Le Serpent incarne la puissance démoniaque du Mal, puissance tentatrice qui par l’envie va faire de l’homme sa victime : « c’est par l’envie du Diable que la mort est entrée dans la monde » dit le Livre de la Sagesse (Sag 2.24).

     Comment procède le Serpent ? Il teste tout d’abord la capacité à distinguer de la femme, puisque la jugeant sans doute plus faible c’est à elle qu’il s’adresse :

  •  Alors, Dieu a dit vous ne mangerez d’aucun arbre du jardin ? 

  • Nous pouvons manger du fruit des arbres mais pas du fruit de l’arbre qui est au milieu du jardin, lui répond la femme

     La distinction a donc été bien assimilée. Qu’à cela ne tienne, le serpent change de stratégie et va susciter l’envie pour arriver à ses fins :

  • Le jour où vous en mangerez vos yeux se dessilleront et vous serez comme des Dieux, connaissant le bien et le mal

     Qu’est-ce qui va séduire la femme dans ce discours ? La Bible est très claire là dessus : la femme veut « acquérir l’intelligence » (Gn 3.6), intelligence qui lui permettra, suprême orgueil, de distinguer le bien du mal en toute autonomie et hors la parole de Dieu. C’est une volonté explicite d’affranchissement de Dieu qui la motive. Elle veut que ses yeux se « dessillent », c’est à dire voient ce qu’elle ignore, s’ouvrent sur le monde pour qu’elle le comprenne. Elle veut « connaître », distinguer de son propre chef, à l’égal de Dieu.

     La femme mange donc de ce fruit interdit et en donne à manger à l’homme.

     Le serpent n’avait pas menti. A peine eurent-ils mangé que « se dessillèrent leurs yeux, à tous deux, et ils connurent qu’ils étaient nus » (Gn 3.7). L’homme et la femme viennent d’acquérir la faculté de discernement ! Et ils discernent tout d’abord qu’ils sont nus : c’est une première exploration du monde, exploration à partir d’eux-mêmes et non plus de Dieu. C’est une connaissance nouvelle qui s’impose à eux, et cette connaissance qui à priori n’était pas inscrite dans le plan divin, va entraîner une création nouvelle : les pagnes dont les hommes vont se couvrir. Mais cette création est particulière car elle n’est pas divine. Pire elle ajoute à la création divine, comme s’il avait manqué quelque chose à celle-ci, comme si celle-ci était marquée par une sorte d’imperfection. Elle fait de l’homme un égal de Dieu, capable de le juger à travers son œuvre qu’il ne se privera plus de corriger à sa façon. Décidément, le serpent n’avait pas menti.

 

     Discernement : « Action de discerner, de distinguer, de discriminer » dit le Grand Larousse Universel, « de séparer » ajoute le Petit Larousse. Discerner quelque chose ou quelqu’un c’est les distinguer plus ou moins nettement dans un ensemble ou une masse. Discerner le vrai du faux ou le bien du mal, c’est savoir les percevoir par l’esprit, la réflexion  ou l’expérience, c’est savoir les démêler, les distinguer. Cela suppose la Connaissance.

      Avant d’avoir « croqué la pomme », puisqu’on dira qu’il s’agissait d’une « pomme », l’homme n’a pas la faculté de discernement. Ses yeux ne sont pas dessillés et il est incapable de faire la différence entre le bien et le mal, le nu et le vêtu. Il doit cependant distinguer un arbre de tous les autres, mais on voit que cette distinction lui a été imposée sous peine de sanction : elle n’est pas le produit de son propre discernement. 

     Après avoir croqué cette pomme, l’homme « connaît » nous dit la Genèse. Il peut discerner, distinguer, faire des différences qui lui donnent la possibilité de créer : le peintre compose son tableau à partir des couleurs qu’il distingue et sépare dans sa composition. A partir de ce moment l’homme pourra distinguer de plus en plus finement son univers, s’exerçant à séparer et à classer les différents éléments qui le composent, les révélant et les hiérarchisant. Il devient l’égal de Dieu et procèdera comme Dieu, par discernement, jusqu’à engendrer un monde humanisé. Quel chemin parcouru de la classification des espèces aux décodages ADN, de la découverte du caractère sphérique de la terre par les Grecs à celle de la structure des atomes : mais l’homme n’a-t-il pas manqué de discernement sur des choses essentielles ? A l’origine, selon la Bible, l’être humain n’avait qu’une seule distinction à faire pour que le monde reste parfait. Aujourd’hui, il se doit de distinguer jusqu’aux génomes pour créer des organismes génétiquement modifiés qui assureront péniblement la survie, pense-t-il, de 7 ou 10 milliards des siens.

 

    Par son action, Satan gomme une distinction et une séparation divine fondamentale : celle de l’Arbre aux fruits interdits, que Dieu avait séparé et explicitement distingué des autres arbres. C’est la première manifestation quasi « historique » d’une force déstructurante s’opposant à la force structurante de Dieu.

    Mais Satan fait pire : ce faisant, il remet en question ce qui distingue et sépare ontologiquement l’homme de Dieu. Il hisse la créature au rang du Créateur : « Yahvé Dieu dit « voilà que l’homme est comme l’un de nous » (Gn 3.22). Dieu va réagir à cette assimilation insupportable par une nouvelle séparation : l’homme sera expulsé du jardin d’Eden (Gn 3.23).

    

     Satan travaille donc à la destruction de ce que Dieu avait décrété explicitement comme « bon ». Il remet en question son ordre et ses séparations. Il engendre le désordre, la confusion, l’abolition des distinctions, bref un retour au chaos et au « mal » originel.

 

    Mais par son action, Satan ne libère-t-il pas aussi une nouvelle force structurante, capable de distinctions, de séparations, de hiérarchisations et d’organisation : l’homme ? Si la déstructuration est marque du diabolique et la structuration marque du divin, Satan ne joue-t-il pas à terme contre ses propres intérêts ? L’homme ne va-t-il pas jouer naturellement dans le camp structurant de Dieu ? Un simple regard sur le monde d’aujourd’hui nous apprend que non : Satan s’est joué de notre capacité de discernement. Véritable maître de la confusion, du retournement orwelien des réalités, Satan a fait de notre capacité à discerner, une pulsion pour mélanger et  embrouiller ce qui avait été séparé par Dieu. Jusqu’à la destruction totale de ce monde.

 

A suivre

 

Antonin Campana

 

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