Un gentilé exprime le nom des habitants d’un lieu. « Parisien » est le gentilé des habitants de Paris, « Lyonnais » est le gentilé des habitants de Lyon, «Thaïlandais » est le gentilé des habitants de la Thaïlande …
Un ethnonyme désigne des personnes partageant une même identité ethnique : ancestrale, culturelle, religieuse… « Rom » est un ethnonyme qui renvoie au peuple rom. « Thaï » est un ethnonyme qui renvoie au peuple thaï…
Le gentilé renvoie donc à un territoire et à un périmètre géographique. Un homme peut changer de gentilé (un Parisien peut devenir Lyonnais) plusieurs fois dans sa vie.
L’ethnonymie renvoie à un peuple, c'est-à-dire à des personnes qui appartiennent au groupe de leurs ancêtres et qui ont hérité de leur identité. L’ethnonymie, sauf exception, est figé : un Thaï ne deviendra jamais Rom.
Qu’en est-il du mot « Français » ? Est-ce un gentilé ou un ethnonyme ?
Pour la République, à l’évidence, c’est un gentilé sans lien avec l’ethnicité (puisque tous les citoyens « sans distinction » sont « Français ») : tous ceux qui s’installent en France sont destinés à devenir « Français ».
Pourtant le mot « français » dérive du mot « franc » qui renvoie à un peuple, le peuple des Francs. « Français » est donc d’abord un ethnonyme : ne peuvent être « Français » que ceux qui se veulent les héritiers du peuple franc.
On le voit, la perversion des mots peut avoir des conséquences importantes sur l’avenir des peuples.
Gentilé ou ethnonyme ? Le débat pourrait être sans fin. Il est temporairement sans objet puisque le mot « Français », artificiellement réduit à un gentilé, a perdu sa capacité à spécifier l’appartenance autochtone et de ce fait, ayant perdu de son sens et de son utilité pour distinguer, est progressivement remplacé. Les mots meurent de ne plus vouloir rien dire.
On observe ainsi un double mouvement qui va en s’amplifiant. De nouveaux noms se substituent au mot « Français » dès lors qu’il s’agit de caractériser une réalité autochtone dont le nom « Français », trop universel, ne peut rendre compte. Subséquemment, la population indigène imagine de nouveau « endonymes » (noms par lesquels une population se désigne elle-même) et les populations exogènes de nouveaux « exonymes » (noms par lesquels une population est désignée de l’extérieur). Puisque le mot «Français » n’est satisfaisant ni pour les Autochtones, ni pour les étrangers, puisqu’il ne permet plus de distinguer avec évidence le groupe ethnique autochtone, des noms nouveaux, clairement ethnonymes, vont apparaître pour palier ce manque.
Ainsi (création d’endonymes), les Autochtones de France (pourtant « Français ») vont se nommer « Français de souche », « Européens », « Autochtones », « Indigènes »…
Ainsi (création d’exonymes), les Allochtones (souvent par ailleurs « Français ») vont nommer les Autochtones « Gaulois », « Babtou », « Blancs », « Céfrans », « face de craie »…. L’expression « vous les Français », venue de jeunes juridiquement français, redonne quant à elle au mot « Français » sa dimension ethnonyme originelle.
Tout cela pour dire quoi ?
Premièrement que la République a évacué du mot « Français » sa dimension ethnonyme. Ce faisant, le nom « Français » a cessé d’être spécifiant et les Autochtones de France ont perdu tout moyen clair de se nommer. Or, c’est une règle : ce qui n’est pas nommé n’existe pas (d’où cette indispensable création d’endonymes). Réduire le mot Français à un gentilé plus ou moins juridique (droit du sol) revient à nier le droit du peuple autochtone à se nommer et finalement à exister. C’est un crime.
Deuxièmement que la création d’endonymes et d’exonymes (même si ces derniers sont souvent racistes) prouvent que les Autochtones européens de France forment un groupe ethnique à part entière tant de leur point de vue que du point de vue des populations exogènes : pour tous, ils forment un peuple qui doit être nommé.
Troisièmement que la privation de nom subie par les Autochtones n’est donc pas « naturelle ». Elle est le fruit d’une volonté d’anéantissement. Dans la Bible « effacer le nom » signifie « exterminer » : en effaçant notre nom, la République veut nous dissoudre dans une humanité anonyme d’importation.
Les Autochtones européens de France forment donc un groupe ethnique : ils le savent lorsqu’ils se nomment, les étrangers le savent lorsqu’ils les nomment, la République le sait lorsqu’elle les nie. Alors, peu importe la fraude des mots, même s’ils annoncent selon Platon la perversion de la Cité : les réalités finissent toujours par l’emporter. Une simple question de temps.
Antonin Campana