Sorte de film dans un film ou d’images se réfléchissant sans fin dans un jeu de miroirs, la mise en abîme est un procédé par lequel une pièce de théâtre est jouée à l’intérieur d’une pièce de théâtre, un roman est inséré à l’intérieur d’un roman, un plus petit est placé dans son double plus grand, qui lui-même est placé dans une réplique encore plus grande, et cela jusqu’à l’infini.
Si l’on parle « effondrement civilisationnel », quel est le plus grand dont procèdent les plus petits ? Quel est l’élément premier, s’il y en a un, dont procèdent tous les autres ? Quelle est la Crise, mère de toutes les crises, qui fait de ces dernières de simples reflets déclinés à l’infini, sans laquelle toutes les crises que nous connaissons auraient été impossibles, sans laquelle la mise en abîme n’aurait pu « techniquement » se produire. Quelle est l’entropie nécessaire et suffisante pour engendrer la dislocation de tout, comme la mort engendre mécaniquement la dislocation de chaque cellule d’un cadavre ?
Nous le savons par l’Histoire, ni la décadence de la nation, ni les mélanges, ni même la dispersion du peuple, ne sont par eux-mêmes des causes nécessaires et suffisantes pour provoquer mécaniquement un effondrement de tout. Toutes ces catastrophes, importantes mais non décisives, ne sont que des plus petits contenus dans un plus grand qui les rend possibles. Or, en ce qui nous concerne, ce plus grand, retournez la question dans tous les sens vous en viendrez toujours à la même conclusion, est la destruction de l’Eglise.
Pour détruire la famille, pour détruire les liens communautaires, pour détruire la culture française et la civilisation européenne chrétienne, pour détruire les rôles sociaux selon les sexes, pour rendre toutes choses relatives, jusqu’à la vie des enfants dans le ventre de leur mère, pour métisser les hommes, les religions et les cultures, pour obtenir aujourd’hui l’hégémonie de l’idéologie LGBT, du wokisme et du transhumanisme, bref pour mettre à bas tout l’ordre traditionnel, il fallait auparavant détruire l’Eglise. Cette destruction est l’œuvre de la République depuis la révolution dite « française ».
Cette conclusion à laquelle nous arrivons n’est pas celle d’un croyant. Elle est l’aboutissement d’un raisonnement que nous espérons rationnel. Les multiples crises structurelles que nous connaissons (crises démographiques, culturelles, religieuses, sociétales, identitaires, migratoires…) n’auraient pu se produire si l’Eglise organisait encore la « reliance » dans notre société, si son message irriguait encore chaque cellule du corps social. Ces crises structurelles ont une cause commune, peuvent être analysées du point de vue de cette cause première et ne sont que des déclinaisons d’une crise originelle qui est celle de la foi, mais aussi, plus largement, de l’Eglise en tant qu’institution structurant et vivifiant la société.
A partir de sources religieuses, notamment la Bible, nous avons ailleurs (ici par exemple) assimilé le Mal à l’entropie. Pour les grandes religions, tout ce qui ramène au chaos originel, à l’indistinction, au mélange et à la confusion est significatif du Mal. Inversement, tout ce qui entretient l’ordre voulu par Dieu et en respecte les frontières s’oppose au chaos du Monde et se trouve par définition du côté du Bien. Pendant des siècles, l’Eglise a charpenté une civilisation qui avait choisi la contre-entropie plutôt que l’entropie. La destruction de l’Eglise a signifié la victoire de l’entropie, donc l’effondrement de notre société. Tout cela est logique.
Aujourd’hui, une nouvelle question nous est posée par la Russie. Celle-ci, par la voix de Vladimir Poutine, ne cache pas que la guerre qu’elle mène en Ukraine est aussi une guerre contre l’idéologie LGBT, le wokisme, le post-national et toutes les autres expressions de la déliquescence des sociétés occidentales. Autrement dit, la guerre de la Russie est une guerre contre l’entropie et contre l’Occident en tant que vecteur d’entropie. Aujourd’hui, la Russie est le Katechon (voyez notre texte sur cette notion fondamentale) : elle s’oppose au Mal, à la dissolution du Monde, c’est-à-dire, en langage apocalyptique, à l’Antéchrist !
Une nouvelle fois, et ce sera sans doute notre dernière chance, il faudra choisir son camp dans la lutte eschatologique qui commence à visage découvert : entropie ou néguentropie ? Discernement ou indistinctions ? Ordre traditionnel ou chaos ? Racines helléno-chrétiennes ou wokisme ? Mise en abîme ou renaissance ? Bien ou Mal ?
Russie ou Etats-Unis ?
Antonin Campana