Ce texte est une libre adaptation des thèses sur la « génétique culturelle » et de neuro-anthropologie du philosophe allemand Heiner Mühlmann. Nous nous référons ici à ses deux ouvrages fondamentaux : La nature des cultures, et CSM, Coopération sous stress maximal (parus en un seul volume aux Editions Parenthèses, 2010). Nous disons « libre adaptation » car nous les revisitons « à notre sauce », en cherchant à rendre opérationnelles certaines des idées qu’ils contiennent. On aura compris que nous ne nous soucions guère d’une adéquation pointilleuse de notre propos avec la pensée de cet auteur complexe. Ceci étant dit, et pour terminer cette courte introduction, signalons le travail de Laurent Ozon, qui nous a mis sur la piste de ce philosophe (pour connaître les analyses très intéressantes de Laurent Ozon, nous incitons nos lecteurs à écouter cet entretien entre Laurent Ozon et Piero San Giorgio).
Au commencement sont les Toupayes
La recherche sur le stress a pris les primates comme sujet privilégié d’observation. Ainsi des Toupayes, de petits mammifères qui vivent en Asie. Le stress de ces animaux est à son maximum lorsque deux mâles se rencontrent et qu’un combat commence. On observera que le vainqueur va bénéficier de processus physico-chimiques favorables qui vont lui procurer du bien être et vont renforcer sa santé et sa vitalité. Plus le vainqueur aura à son actif des combats remportés, plus il sera en bonne santé. On observera également que le vaincu va subir des processus physico-chimiques et hormonaux qui vont le laisser dans un état de stress permanent et pathologique. Il ne mangera plus, ne dormira plus et mourra au bout de deux ou trois jours. On note cependant que cette mort par le stress ne se produit que si le vaincu voit en permanence l’image du vainqueur (lorsque les deux Toupayes sont par exemple dans des cages accolées). Si l’image du vainqueur est caché, alors le vaincu retrouvera progressivement un niveau normal de stress et restera en bonne santé.
Que se passe-t-il ? En fait, dès le combat terminé, vainqueur et vaincu « évaluent » et jugent la phase de stress maximum qu’ils ont connue. Cette évaluation sera positive pour le vainqueur, ce qui lui procurera immédiatement un état de relaxation et une augmentation du taux de testostérone. Par contre, l’évaluation sera négative pour le vaincu, qui entrera en dépression.
Or, nous dit Mülmann, les mêmes processus s’observent pour les sociétés humaines.
Sociétés sous stress maximal
Confrontées à une situation stressante ou à un ennemi (le « stresseur »), les sociétés ont, comme les individus, deux options : soit le combat, soit la fuite. Mühlamm cite deux exemples : après les attentats de 2001, les Etats-Unis choisissent le combat (guerre à l’Afghanistan et à l’Irak) ; après les attentats de 2004, l’Espagne choisit la fuite (retrait des troupes d’Irak). La phase de stress maximal provoque un puissant élan de « coopération » dans la société (avec les attentats, on le sait, nous sommes « tous ensemble » devenus Charlie). Quand la phase de stress aiguë cesse, commence le moment de l’évaluation :
Si l’évaluation est positive, alors la société va gagner en sérénité, en relaxation, en cohésion, en « coopération » interne. Les règles sociales, qui ont contribuées au succès, vont se renforcer. L’organisation sociale, à qui l’on doit la victoire, va gagner en légitimité. La coopération qui a eu lieu en phase de stress maximal deviendra, par l’émotion provoquée, un événement fondateur qui sera bientôt entretenu par une liturgie (par exemple, le 14 juillet réactive et entretient la coopération provoquée par le stress révolutionnaire). La coopération sociale engendrée par les évènements stressants est donc à l’origine de faits de nature culturelle. Par exemple, la stressante crucifixion du Christ, évaluée positivement (l’humanité sauvée du péché originel) engendre une coopération (l’Eglise) et une civilisation (chrétienne).
Si l’évaluation est négative, alors la société va subir un processus malsain d’autodestruction. Les règles sociales et culturelles qui ont conduit au désastre, vont être remises en cause. L’organisation sociale à l’origine du désastre va être contestée. Le Pouvoir en place risque lui-même d’être rejeté. Un climat révolutionnaire va souvent s’installer. La coopération sociale qui existait face au stresseur durant la phase de stress aiguë, va se transformer en oppositions sociales et en conflits internes. La société va alors se désorganiser, se fractionner et se décomposer. C’est une règle : on ne change pas une équipe qui gagne, mais les équipes qui échouent connaissent toujours des tensions internes, des controverses et des exclusions. Ainsi, la guerre civile en France entre 1940 et 1947 est la conséquence directe de la défaite de 1940 ; ainsi la révolution en Allemagne en 1918-1919 est la conséquence de la défaite du Reich en 1918.
Un problème de perception
Ce qui compte n’est donc pas la situation stressante en elle-même, mais l’évaluation qu’on en fait lorsqu’elle cesse : avons-nous été victorieux ou avons-nous été vaincus ? Cette « évaluation » se résume en fait à une simple question de perception. Elle dépend de la lecture que l’on fait de la phase de stress maximal. Cette lecture ne colle par forcément aux faits. Donnons quelques exemples :
En 1815, la France a effectivement perdu la guerre ouverte en 1792. Cependant, la Restauration, la participation de Talleyrand au Congrès de Vienne, la Contre-révolution, laisse croire que ce n’est pas le pays qui a été vaincu mais le régime révolutionnaire qui s’est imposé à lui à partir de 1789. Autrement dit, l’honneur est sauf, la défaite est refoulée. Conséquences : le pays garde sa cohésion, il ne se délite pas et va pouvoir poursuivre son développement.
En 1870, la France est de nouveau vaincue. Cependant, elle ne l’admet pas et glisse vers le revanchisme. L’idéologie de la Revanche, en effet, suppose que la guerre n’est pas terminée et que la victoire finale viendra en temps et en heure. Là aussi, le pays garde sa cohésion, se reconstruit et poursuit son développement.
La France a été vaincue une troisième fois en 1940. Gaullistes et communistes vont imposer le mythe d’une France résistante, invaincue, sans laquelle une victoire alliée aurait été impossible. Du coup, grâce à l’action du général de Gaulle, la France se retrouve historiquement dans le camp des vainqueurs. Le pays garde son unité, fait la paix avec lui-même et entame sa reconstruction.
A contrario, l’Allemagne a quant à elle clairement perdu la guerre en 1945. Pire, elle accepte cette défaite et avoue sa culpabilité. Dans la foulée, les Allemands remettent en cause leur culture, leur histoire, leur « âme allemande », leurs institutions germaniques et se soumettent aux Etats-Unis, puissance étrangère et ennemie à qui l’Allemagne confie volontairement son destin. La haine de soi prédomine. La natalité s’effondre. En 1979, le démographe Alfred Sauvy dresse un constat implacable : « l’Allemagne est morte mais ne le sait pas encore ».
Pourtant, l’Allemagne avait aussi été vaincue en 1918. Les conséquences n’avaient pas été les mêmes puisqu’elle avait su se redresser en tant que nation libre et fière d’elle-même. Cependant, l’Allemagne n’avait pas été envahie et la « théorie du coup de poignard dans le dos » lui permettait de nier la défaite, de garder sa fierté et la haute idée qu’elle avait d’elle-même. Bref, la lecture positive de la phase de stress, allait bientôt lui permettre de se redresser et de s’affirmer : elle n’avait pas failli !
Dernier exemple, pour revenir à la France. La guerre d’Algérie se conclut par une incontestable victoire militaire de la France ! Pourtant la guerre d’Algérie alimente paradoxalement un processus de délitement comparable au processus qu’a connu l’Allemagne après 1945 : honte de soi, critique de l’histoire et de la culture française, recul de la foi, dénatalité… C’est que, malgré la victoire, la lecture qui est faite de la phase de stress est une lecture éminemment négative et culpabilisante. En fait, l’évaluation de la phase de stress a été captée par le gauchisme et a échappé à la Nation.
Pour synthétiser tout cela, nous pouvons dire que ce ne sont pas les défaites qui atteignent et disloquent les sociétés, mais plutôt les évaluations qu’elles en font (ou qu’en font ceux qui les dominent). Si la narrative dominante nie la défaite, l’attribue à une entité de substitution extérieure au peuple ou prétend que la guerre n’est pas encore terminée, alors l’évaluation de la phase de stress aiguë ne sera pas négative. Autrement dit, les sociétés concernées ne connaîtront pas les pathologies associées à une évaluation négative et garderont bon an mal an leur cohésion. A contrario, si une société sort victorieuse d’une situation stressante (la guerre d’Algérie par exemple), mais en fait paradoxalement une évaluation négative, alors cette société connaîtra bientôt, comme si elle avait été vaincue, toutes les pathologies qui mènent à son autodestruction. Ce qui compte en définitive n’est pas la réalité, mais la perception qu’on en a.
Quelques autres considérations…
Ce constat nous entraîne directement sur un autre terrain. Si l’avenir des sociétés repose en définitive sur la « perception » ou la lecture des phases de stress, alors celui qui pourrait manipuler ces perceptions et cette lecture disposerait quasiment d’un droit de vie ou de mort sur les sociétés. Si, de plus, les situations stressantes pouvaient être générées à volonté par la même entité qui pourrait ensuite manipuler leur perception, alors ce droit de vie ou de mort serait sans limite.
Imaginons, par exemple, un Système qui fabriquerait une situation stressante à l’échelle mondiale, une crise sanitaire par exemple, ou le réchauffement climatique si vous préférez. Imaginons que ce Système développe parallèlement une narrative qui induise une évaluation négative de la situation stressante, imputant aux comportements de l’humanité la défaite sanitaire ou écologique, l’obligeant à une « grande réinitialisation » qui bouleversera les existences, les modes de vie et peut-être aussi la démographie... Ce Système omnipotent disposerait alors du destin de l’humanité. Il pourrait déclencher le processus d’autodestruction des nations (heureusement qu’un tel Système n’existe pas !) !
Autre considération : Heiner Mühlmann parle de « sous-cultures parasites » à l’intérieur des « cultures hôtes ». Imaginons que ces « sous-cultures parasites » soient des cultures allochtones (et non seulement la « sous-culture hooligan » comme dans le schéma qu’il propose). Mülmann considère que plus la coopération est élevée dans la sous-culture parasite, plus elle est un danger pour la culture hôte : « les gardiens de la culture hôte, écrit-il, seraient ainsi bien avisés de savoir comment ils peuvent affaiblir la pratique de la coopération au sein de la sous-culture ». On est d’accord. Si la délinquance, les émeutes et les attentats sont des stresseurs, alors chaque agression, chaque vol, chaque viol, bref chaque « victoire allochtone », va être évaluée positivement par la sous-culture parasite (et augmenter ainsi sa cohésion) et négativement par la culture hôte (et provoquer ainsi sa dislocation). En d’autre terme, comme dans le cas des Toupayes, chaque « victoire » va renforcer la bonne santé et la vitalité des sous-cultures parasites et chaque défaite va accentuer la dépression de la culture hôte. N’est-ce pas ce qu’on observe ?
L’Etat stresseur
Les ingénieurs sociaux du Système connaissent parfaitement le rôle que peut avoir le stress social dans les mécanismes assurant le contrôle des populations. Ils n’ignorent rien de ce qui précède. Gramsci parlait du « pouvoir culturel » comme condition du pouvoir politique. En quelque sorte, en prenant le contrôle de l’évaluation des situations de stress aiguë, les ingénieurs sociaux du Système ont pris le pouvoir culturel.
La population autochtone est soumise à différentes sortes de stress (stress sécuritaires, sanitaires, économiques, sociétaux, culturels, migratoires, écologiques…). On constatera que le discours dominant ne suscite jamais une coopération du peuple contre un ennemi extérieur désigné comme responsable du stress, ennemi que le peuple pourrait donc vaincre en s’unissant (ce qui lui permettrait ensuite d’évaluer positivement la phase de stress, donc de se renforcer). Au contraire, le discours dominant, impute toujours au peuple la responsabilité de son propre stress. Le peuple, c’est-à-dire son histoire, sa culture, son mode de vie, sa religion, etc. est donc accusé d’être son propre ennemi. Le peuple subirait ainsi un stress qui découlerait soit de son irrationalité (le stress du Grand Remplacement, du vivre tous ensemble ou de l’insécurité par exemple) ; soit de sa culture malsaine, homophobe et patriarcale (le stress sociétal par exemple) ; soit de son mode de vie et de son comportement inadéquat (le stress sanitaire, économique ou écologique par exemple) ; soit de son racisme structurel (le stress migratoire ; le stress du recul identitaire par exemple). La fin du stress passerait en quelque sorte par la défaite du peuple. Il s’ensuit que l’évaluation de la phase de stress ne pourra être que négative. Or, on l’a vu, une évaluation négative implique un affaiblissement et une déstructuration. Le peuple est mis dans la même situation psychologique que celle de l’Allemagne après la seconde guerre mondiale. La lecture de la phase de stress l’oblige à expier sa nature pathologique par la honte, par le reniement de son identité, de son histoire, de ses structures sociales profondes, de son mode de vie. Une nouvelle situation apparait dans laquelle ceux qui refusent la lecture-Système de la phase de stress s’opposent à ceux qui l’acceptent (populistes contre mondialistes, conservateurs contre progressistes sociétaux, climato-réalistes contre réchauffistes, anti-masques contre pro-masques, etc.…). Autrement dit, s’installe une situation pré-révolutionnaire ou d’avant-guerre civile qui au final avantage le Système en disloquant le peuple.
A cette utilisation du stress par les ingénieurs sociaux s’ajoute une autre utilisation qui vise non pas à désagréger le peuple autochtone, mais à le ré-agréger autour des institutions et des valeurs du Système. Dit plus simplement, il existe une gamme de stress dont la fonction est de forcer les Autochtones à coopérer solidairement avec l’Etat. Participent de cette gamme, le stress lié au terrorisme, le stress de la guerre civile qui vient ou même le stress sanitaire. Les attentats, les émeutes dans les zones de non-droit, les destructions opérées par les antifas et les black-blocs, mais aussi les craintes sur la pandémie, poussent une majorité d’Autochtones à demander plus d’Etat, plus de police, plus d’encadrements, plus de surveillance, plus de sanctions, plus de masques ou plus de vaccins, etc. L’Etat en profite pour augmenter son arsenal législatif et son contrôle de la population. On le voit nettement ces dernières années : chaque attentat, chaque rebond épidémique, chaque crise sociale permet à l’Etat, avec l’assentiment de la population, de renforcer son pouvoir sur les personnes. La population a recours aux valeurs d’Etat qu’elle psalmodie en boucle (la laïcité, la République, l’Etat de droit…) comme si elles étaient autant de saintetés salvatrices. Plutôt que de se prendre en charge, chacun confie à l’Etat sa destinée, avec l’espoir que celui-ci vaincra les stresseurs (le terrorisme, l’islamisme, les émeutiers, le virus…). Chacun coopère avec l’Etat. L’Etat, quant à lui, propose une évaluation rassurante de la phase de stress, accentuant ainsi la cohésion autour de lui (Macron : « ils ne passeront pas ! »). Le stress maximum engendre donc ici une « coopération », non pas entre tous, mais de tous avec l’Etat protecteur, ce qui n’est pas la même chose.
En résumé, le message subliminal qui est transmis par les ingénieurs sociaux à travers ces deux gammes de stress est celui-ci : le peuple enraciné ne peut trouver son salut qu’en se détruisant en tant que tel, puis en se recomposant autour du Système et selon les règles du Système.
En conclusion
Les phases de stress maximal sont des événements traumatisants qui causent une forte émotion. Selon Mühlmann, c’est précisément cette émotion qui va ancrer dans nos mémoires l’événement stressant. Selon que celui-ci a été évalué positivement ou négativement par le groupe, le souvenir de l’émotion va renforcer celui-ci ou le détruire. Il va assurer la cohésion du groupe, ou va provoquer sa dislocation.
Rendre responsable une société du stress qu’elle subit dénote alors une volonté de la détruire. C’est ce que font l’Etat et le régime républicain.
Empêcher une culture hôte de coopérer face aux actes agressifs des sous-cultures parasites stressantes revient à valider ces actes. C’est ce que font aussi l’Etat et le régime républicain.
Un Etat n’ayant pas fait sécession du peuple conjurerait le stress en luttant contre l’immigration, en autorisant la légitime défense, en activant un processus de remigration, en réhabilitant la liberté d’expression, en protégeant l’économie, en désignant un ennemi qui ne se serait pas le peuple lui-même, et en rassemblant le peuple contre cet ennemi. C’est tout le contraire que nous observons.
Il faut en tirer les conclusions !
L’Etat malfaisant fait une lecture déstructurante des phases de stress qu’il impose au peuple autochtone. Cependant, nous observons que cette lecture « ne prend pas » sur une fraction de ce peuple. Cette fraction fait une lecture potentiellement positive de la phase de stress. En effet, elle n’accuse pas le peuple mais désigne un ennemi extérieur au peuple, un ennemi qui entend le détruire : l’oligarchie, le mondialisme, l’Etat, la République… Désigner un ennemi, signifie qu’on entend le combattre et qu’on pourra in fine le détruire. Or, où il y a conflit, il y a des « camps » opposés. Et où il y a des camps, il y a fatalement coopération à l’intérieur de ces camps. Cela signifie que les phases déstructurantes de stress imposées par l’Etat pourraient à terme déboucher sur de la structuration. Structuration du camp dissident pour commencer, puis restructuration de l’ensemble du peuple, selon l’issue.
On en revient à la problématique de ce blog : rassembler, constituer un Etat parallèle autochtone et partir à la reconquête de nos terres ancestrales. Les observations sur la « coopération sous stress maximal », nous disent que c’est non seulement possible, mais que cela se fera inévitablement. Le problème que nous avons est simplement un problème de temps. Il faut nous presser, car il est compté !
Antonin Campana