« Racisme anti-autochtone », racisme d’Etat, antijaphétisme : comment qualifier autrement les instructions données à la Police « nationale » dans le cadre du confinement ?
Un article du Canard enchaîné du 25 mars, intitulé «un confinement allégé pour les banlieues», rend compte d’une visioconférence réunissant Beauvau et les préfets. Le secrétaire d'Etat à l'Intérieur, Laurent Nunez, aurait déclaré au cours de cette réunion : « Ce n'est pas une priorité que de faire respecter dans les quartiers les fermetures de commerces et de faire cesser les rassemblements ». Le Canard souligne la volonté gouvernementale de ne pas « froisser » (sic) la population vivant dans les « quartiers » et l’approbation zélée des préfets : « [il ne faut] pas mettre le feu aux banlieues en essayant d'instaurer un strict confinement », aurait renchéri un préfet de la zone Sud-Est.
Le 23 avril des policiers en colère (il y en a !), ont diffusé l’enregistrement de l’instruction audio (pas de traces écrites !) qu’ils avaient reçue dans la nuit du 21 au 22 avril. Cette instruction leur demande, dans le cadre du confinement, « d’éviter tout contact avec des perturbateurs ». Cela signifie, selon Noam Anouar du syndicat Vigi Police, que les policiers doivent « oublier » les contrôles et renoncer à faire appliquer le confinement « dans les quartiers ». Cette décision, selon le syndicaliste, doit être mise en rapport avec le prochain ramadan et la présence d’une « majorité de jeunes de confession musulmane » dans les quartiers.
Dernièrement (24 avril), une note interne du chef d’état-major de la Direction départementale de la sécurité publique (DDSP) du Calvados a demandé aux policiers du département de ne pas « intervenir dans les quartiers à forte concentration de population suivant le ramadan, pour relever un tapage, contrôler un regroupement de personnes rassemblées après le coucher du soleil pour s’alimenter » et cela, poursuivait la note, « afin d’éviter qu’un manquement aux règles de confinement ne dégénère et provoque un trouble supérieur de violences urbaines ».
Dans le Calvados justement, le 19 mars, quatre Autochtones qui venaient d’enterrer un membre de leur famille ont été verbalisés à leur départ du cimetière (135€ chacun) pour « non respect des règles de confinement » ! Nous connaissons tous de tels exemples (voyez cette vidéo). Police et gendarmerie ont effectué, à l’heure où nous écrivons, plus de 15,5 millions de contrôles et ont dressé plus de 915 000 procès-verbaux. Combien dans les « quartiers » ? Si les policiers ont respecté les instructions ministérielles et hiérarchiques, à part peut-être, vite fait bien fait, quelques personnes âgées déambulant sans leur autorisation, gageons que les contrôles « dans les quartiers à forte concentration de population suivant le ramadan » ont du être aussi rares que la vraie information dans les journaux télévisés. Quant aux procès-verbaux… !
On savait le régime faible avec les forts et fort avec les faibles : nous en avons ici une nouvelle illustration. Mais ignorons ici ce mélange de trouille, de lâcheté, de reniements, de dhimmitude, qui motive cette attitude et intéressons-nous aux faits, rien qu’aux faits, et à ce qu’ils révèlent.
Qu’observons-nous ?
Nous voyons, premièrement, que le régime ordonne à ses policiers de ne pas contrôler les manquements aux règles de confinement dans les quartiers où vivent les musulmans, de ne pas y faire cesser les rassemblements, de ne pas y faire fermer les commerces, et même d’y éviter « tout contact ».
Nous voyons, deuxièmement, que les ordres sont de faire appliquer un « strict confinement » partout ailleurs, c’est-à-dire partout où ne résident pas des populations musulmanes, autrement dit partout dans la France autochtone.
Nous constatons, troisièmement, qu’en conséquence des deux points qui précèdent, les Autochtones sont extrêmement contrôlés et sanctionnés, souvent de manière injustifiée, alors que les populations musulmanes ignorent généralement ces contrôles et ces sanctions, même en cas de regroupements importants, de rodéo nocturne ou de tirs de mortier contre pompiers et forces de l’ordre.
Le régime demande donc aux policiers de distinguer les populations musulmanes des populations autochtones, de ne pas sanctionner les unes et d’être intraitables avec les autres. Clairement, cela s’appelle de la discrimination. Et même du racisme ! Et le racisme, faut-il le rappeler au régime, est interdit par ses propres lois !
Que dit la loi ? La loi no 72-546 du sur la lutte contre le racisme punit d’emprisonnement les discriminations subies par une personne ou un groupe de personnes « en raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée ». Cette même loi de 1972 punit également la discrimination exercée par un agent public.
Les contrôles qui épargnent la « population suivant le ramadan » mais qui, assortis de procès-verbaux, s’abattent sur les Autochtones qui n’appartiennent pas à la religion musulmane sont donc des contrôles racistes. Les Autochtones sont victimes d’une sorte de délit de bonne gueule. Les cadres du régime, mais aussi les forces de police qui se livrent à cette discrimination, tombent eux-mêmes sous le coup de la loi. Les notes et instructions dont nous avons parlées sont des incitations à la discrimination fondée sur une religion déterminée. Elles sont donc condamnables.
Un autre fait que nous pouvons observer est que ce racisme indubitable (imaginez si on contrôlait toutes les populations… sauf celles « suivant les Pâques chrétiennes » !) est un racisme d’autant plus assumé qu’il passe inaperçu. C’est ce qui nous semble encore le plus grave. Depuis trente ou quarante ans, on nous a tellement seriné que le racisme c’était nous et que les victimes du racisme c’était les autres, que nous sommes incapables de nous penser comme victimes. Pourtant, nous en avons déjà parlé (ici par exemple), il existe un véritable racisme d’Etat (républicain), un antijaphétisme structurel dont le but premier est de mettre l’échec du vivre-tous-ensemble sur le compte de la population autochtone (et ainsi d’en dédouaner le régime). Ce racisme est tellement habituel, banal, ordinaire que nous ne le reconnaissons plus dans ses manifestations quotidiennes. Nous n’en avons même plus conscience.
La faute nous incombe. Il ne tient qu’à nous de le dénoncer. Si la République est égalitaire, comme elle le prétend, alors qu’elle fasse autant de contrôles dans les quartiers que dans les villages. Si elle a peur où n’est pas en capacité d’agir, alors qu’elle le dise et laisse les Autochtones tranquilles. Ces derniers subissent depuis trop longtemps les frustrations du régime et les ressentiments légitimes de sa police. Mais le droit à être traité dignement ne se quémande pas. Il se conquiert. Il ne tient qu’à nous, pour peu que le peuple autochtone se rassemble et s’organise, d’être aussi craints et respectés que les populations allochtones.
Antonin Campana