En 2017, le président du régime, Emmanuel Macron, annonçait à Ouagadougou son intention de restituer à l’Afrique son patrimoine confisqué par la “France“, traduisez “par la République“. On sait en effet que l’essentiel de la spoliation se fit après 1885, durant la période coloniale républicaine (près de 90 000 œuvres furent alors soustraites au continent noir). Le régime, c’est une de ses techniques préférées pour se décharger de ses responsabilités ou pour utiliser à son profit le corps national, réduit volontiers la nation millénaire à lui-même (Constitution : « la France est une République »), mais nul ne peut être dupe : ce sont bien des fonctionnaires de la République, des administrateurs coloniaux républicains, des lois républicaines et plus généralement l’entreprise coloniale républicaine qui ont rendu possible la spoliation. Bref, c’est le régime politique issu du coup d’Etat de 1789, et non le peuple autochtone français nié par ce régime, qui doit rendre des comptes.
Les œuvres africaines doivent être restituées aux Africains. Cela va de soi. Mais pourquoi le régime en place ne restituerait-il pas aux Autochtones de France le patrimoine qu’elle leur a confisqué ? Les musées, les œuvres d’art, les églises, les cathédrales, les châteaux, les archives… toute cette richesse produite par le peuple autochtone de ce pays durant des siècles (et en aucun cas par la récente communauté civique melting-pot dont la République est l’expression en même temps que la matrice), doit revenir au peuple autochtone. Si le patrimoine identitaire africain doit être restitué aux peuples africains, le patrimoine identitaire européen doit être restitué aux peuples européens et le patrimoine identitaire autochtone doit être restitué au peuple autochtone. Versailles, Notre-Dame de Paris, Paul Cézanne, Auguste Rodin, le Mont-Saint-Michel, les tapisseries d’Aubusson… font partie du patrimoine autochtone. Ce patrimoine appartient au peuple autochtone par droit d’héritage. La République universelle qui prétend avoir dissous le peuple autochtone dans un « creuset républicain » ouvert sans distinction à tous les hommes de la terre, n’a aucun à droit à jouir du capital matériel et immatériel d’un peuple que non seulement elle ne reconnaît pas, mais qu’elle se vante d’avoir fait disparaître ! Le patrimoine culturel autochtone est la preuve que le peuple autochtone existe. C’est aussi le signe de Caïn inscrit au fronton de la République pour que les hommes reconnaissent dans ce régime le système qui a effacé le peuple autochtone.
Soit le peuple autochtone de France existe encore et alors, conformément aux textes internationaux, notamment la Déclaration des Nations unies sur les Droits des peuples autochtones, le patrimoine culturel autochtone doit être restitué au peuple autochtone (ce qui suppose que celui-ci s’organise préalablement… ce à quoi appelle ce blog) ; soit le peuple autochtone n’existe plus et alors il n’est pas normal que le régime, coupable d’avoir fait volontairement disparaître ce peuple, accapare le patrimoine produit par celui-ci. Depuis quand un criminel peut-il hériter de sa victime ?
Soulignons que la restitution aux Autochtones du patrimoine matériel et immatériel confisqué ne serait pas une nouveauté pour le régime. Les accords de Nouméa (1998, document d’orientation) précise que « l’État favorisera le retour en Nouvelle-Calédonie d’objets culturels Kanak qui se trouvent dans des musées ou des collections, en France métropolitaine ou dans d’autres pays. Les moyens juridiques dont dispose l’État pour la protection du patrimoine national seront mis en œuvre à cette fin. Des conventions seront passées avec ces institutions pour le retour de ces objets ou leur mise en valeur ». Le Centre Culturel Djibaou et l’Agence de Développement de la Culture Kanak savent parfaitement gérer le patrimoine culturel kanak et n’ont pas besoin de le confier à des fonctionnaires du régime. Au nom de l’égalité, le droit qui est applicable aux autochtones mélanésiens de Nouvelle-Calédonie doit également s’appliquer aux autochtones européens de France. La restitution aux Autochtones du patrimoine légué par leurs ancêtres n’est qu’une œuvre de justice et de réparation.
La “France“ comme société ouverte, corps d’associés multiethnique et gangue qui emprisonne le peuple autochtone, doit reconnaître le caractère autochtone du patrimoine français. Elle doit admettre que le peuple autochtone constitué est fondé à administrer ce patrimoine.
Le peuple autochtone de son côté, peuple chrétien de culture et de lignée européenne, ne doit pas supporter qu’un régime politique qui nie l’existence du peuple autochtone continue à disposer du patrimoine autochtone. Ce patrimoine justifie le peuple autochtone. Il est son identité. Il n’est pas possible que cette identité, nous parlons de l’âme du peuple autochtone, dépende d’un système hostile se voulant universel, c’est-à-dire non spécifiquement autochtone.
N’en doutons pas : le combat pour la restitution du patrimoine autochtone confisqué sera un combat prioritaire dans le cadre d’une stratégie globale de libération.
Antonin Campana