Depuis le 06 juillet 2018, la « fraternité » est un « principe constitutionnel ». Autrement dit, le concept de « fraternité » a désormais une valeur normative. Pour le Conseil constitutionnel, mené par Laurent Fabius, le principe constitutionnel de fraternité découlerait de la devise républicaine énoncée en l’article 1 de la Constitution du régime : « La devise de la République est liberté, égalité, fraternité » ! La décision est arbitraire mais a désormais force de loi. Et alors ? La conséquence immédiate (et objectif réel de la manœuvre !) est que la loi sur le séjour irrégulier des étrangers est abrogée. Rappelons que celle-ci punissait de cinq ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende « le fait d’aider directement ou indirectement un étranger à entrer, circuler ou séjourner irrégulièrement en France ». Cette loi n’était jamais appliquée, mais dans une république fondée sur le principe d’universalité elle faisait désordre. Bref, la devise du pays a désormais un caractère législatif légitime et nécessaire. Si nous avions été au Lésotho, dont la devise est comme chacun sait « Paix, pluie et prospérité », il aurait été possible d’exiger la pluie et de contester légalement la sécheresse ! On voit bien la supercherie : une devise est toujours un vœu pieux exprimant une idée générale plus ou moins abstraite (qu’est-ce que la liberté, l’égalité et la fraternité ?) et en aucun cas un texte de loi ayant une valeur normative. Les membres du Conseil constitutionnel le savaient parfaitement. Ils sont passés outre de la manière la plus hypocrite qui soit à seule fin de corriger une loi qui ne cadrait pas avec les fondamentaux républicains.
Nous avons maintes fois souligné dans ce blog que le républicanisme était un universalisme, ou en terme moins philosophique, un mondialisme. La fraternité, au sens républicain du terme, ne saurait se limiter à la parenté ou à la lignée. Bien au contraire, le mot fraternité, falsifié et détourné de son sens originel (lien de parenté qui unit les enfants de mêmes parents), a été un moyen républicain de casser les lignées pour ouvrir l’homme sur l’humanité. Comme nous l’indiquions dans notre Glossaire : « Le concept de Fraternité n’est pas un vecteur d’affirmation des origines ancestrales et des liens du sang, ce qu’il aurait pu être, mais une contrainte morale qui ouvre l’individu au monde, le dissocie de ses « frères » et de sa lignée, lui imposant bientôt l’accueil des « migrants » comme l’ouverture à « l’Autre ». L’homme amoindri et dénaturé, sans identité, sans lignée et sans frontières, simple unité solidaire d’un tout global (l’humanité) devient ainsi, grâce à une fraternité universelle obligée, un « citoyen du monde ». Le concept républicain de « Fraternité » n’exprime donc pas le lien de parenté et de solidarité entre frères et sœurs mais, par un retournement étonnant, la dilution de ceux-ci dans l’universel ».
Pour le régime en effet, et cela dès son origine, la fraternité ne peut être qu’universelle. Citons le député Marie-Joseph Chénier qui le 24 août 1792 affirme devant l’Assemblée nationale, sans être contredit, que la « fraternité universelle » est le « premier but de l’ordre social ». Citons Robespierre qui dans un discours du 24 avril 1793 affirme après beaucoup d’autres que « les hommes de tous les pays sont frères ». Citons Pierre Vergniaud, qui dans un Discours du 9 novembre 1792 proclame à la Convention : « Rappelez-vous la fédération de 1790. […] Je le jure, au nom de la fraternité universelle que vous allez établir, chacun de vos combats sera un pas de fait vers la paix, l’humanité et le bonheur des peuples ». Etc.
Autrement dit, les députés qui avaient voté la loi sur le séjour irrégulier des étrangers sortaient clairement de l’orthodoxie républicaine. Ils étaient, sans le vouloir, par ignorance, « politiquement incorrects ». Le Conseil constitutionnel vient donc de corriger ce qui n’était en fait qu’une anomalie accidentelle. Ce faisant, le Conseil révèle deux choses que tout Réfractaire devrait avoir constamment à l’esprit :
La première est que la République surplombe le peuple. La démocratie n’est qu’un leurre puisque quelques juges, gardiens du dogme républicain, peuvent corriger la volonté du peuple exprimée par l’intermédiaire de ses représentants.
La seconde est qu’on ne résoudra pas le problème de l’immigration en restant dans le cadre républicain hérité de 1789. La République est cause du Grand Remplacement, elle ne saurait en être la solution.
Antonin Campana