Par sa politique d’encerclement de la Russie et de la Chine et par ses multiples provocations, allant jusqu’à organiser un coup d’Etat en Ukraine pour empêcher un rapprochement avec la Russie, l’administration Obama menait inexorablement le monde à la guerre. Ceux qui ne croyaient pas aux vertus d’une confrontation généralisée voyaient d’un mauvais œil l’arrivée au pouvoir d’une Hillary Clinton, mandatée par le complexe militaro-industriel pour continuer cette politique belliciste. Pour éloigner le risque d’une troisième guerre mondiale qui ne pouvait qu’être nucléaire, il fallait absolument barrer la route à ces fous de la gâchette qui entendaient recomposer le Moyen-Orient en petits Etats vassaux préalablement renvoyés au Moyen Age grâce à leurs alliés salafistes. L’objectif des néoconservateurs américains et de leurs alliés européens était triple : assurer l’hégémonie d’Israël dans la région, contrôler les gisements de pétrole et de gaz, empêcher les rétablissements des « routes de la soie » dont l’une passait par la Syrie (et l’autre par l’Ukraine !).
Donald Trump, justement, s’opposait vigoureusement à cette politique guerrière et mettait ouvertement en cause les intérêts financiers, économiques, militaro-industriels… qui avaient imaginé et imposé celle-ci aux Etats-Unis. Il annonçait ainsi un retournement complet de la politique étrangère américaine et adoptait un positionnement clairement antiSystème. Il incarnait un espoir pour tous ceux qui avaient conscience des périls grandissants qui menaçaient l’humanité dans son ensemble.
Depuis son élection, Donald Trump a d’ailleurs été constamment la cible du parti de la guerre et de ses ramifications puissantes : les médias, le clan Obama/Clinton, le complexe militaro-industriel, les agences de renseignements, la magistrature, les fondations financées par Soros, etc. L’Etat officiel incarné par un Président élu et l’Etat profond dominé par l’oligarchie sont alors entrés en confrontation, l’un brandissant sa légitimité démocratique, l’autre s’arcboutant sur une narrative conspirationniste faisant du Président un traître à la solde de Moscou. Trump s’est très vite trouvé dans l’incapacité d’appliquer le programme pour lequel il avait été élu. Ses décrets anti-immigration ont tous été bloqués, l’obamacare n’a pu être réformée, les hommes de confiance qui l’entouraient ont tous été renvoyés, le rapprochement promis avec la Russie n’a pas eu lieu.
Sur ce dernier point, il n’aura échappé à personne que Trump s’est progressivement aligné sur le discours de propagande de la précédente administration, critiquant notamment la Russie pour son action supposée en Ukraine. Les menaces réitérées de Trump contre l’Iran, pourtant allié de la Russie, ne cachaient-elles pas une volonté de copiner avec l’opposition néoconservatrice ?
Cependant, il nous restait quelque espoir jusqu’à ce bombardement inique d’une base aérienne syrienne. D’une manière unilatérale, sans en référer au Congrès, sans mandat onusien, sans preuve, en toute illégalité et en bafouant le droit international, les Etats-Unis ont bombardé un pays parce que leur Président émotif aurait vu des photos d’enfants supposément victimes d’un gaz toxique ! Et tout cela sans même savoir si l’évènement a réellement eu lieu (pas d’enquête à ce stade) et quels en seraient les commanditaires (Assad ? Mais quel serait son intérêt ?).
La Syrie est bien entendu victime des luttes intérieures qui déchirent les Etats-Unis. La Russie en est bien consciente. Maria Zakharova, porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères, n’a aucun doute sur le sujet : « Je dirais que ce que nous voyons aujourd'hui, c'est le jeu de "trônes" américain. C'est une guerre entre les clans politiques et les structures militaro-financières et politico-financières qui refusent d'accepter les résultats de la présidentielle ». Et de continuer : « Ce que nous avons vu aujourd'hui est vain, inepte et dangereux parce que les objectifs ne sont pas compréhensibles. Les États-Unis sont absolument dépourvus de toute stratégie à l'égard de la Syrie. La frappe est une mesure forcée résultant de cette lutte politique intérieure colossale ».
Soyons lucide et à moins de supposer avec Thierry Meyssan que ce bombardement n’a été possible qu’avec l’accord de la Russie et de la Syrie, il nous faut convenir que cette guerre entre les clans politiques, militaires et financiers dont parle Maria Zakharova a été perdue par Trump. Celui-ci vient de reprendre la marche à la guerre là où l’avait laissée son prédécesseur. Trump s’est couché et fait exactement ce qu’aurait fait Clinton si elle avait été élue. Autrement dit, il a été « forcé » de faire l’exact contraire de ce qu’il avait promis. L’Etat profond américain a vaincu l’Etat légal : c’est le sens qu’il faut donner à cet acte odieux de guerre. L’horloge de l’Apocalypse vient de reprendre sa course.
Antonin Campana