[Dans Synthèse autochtone 12, nous avons posé la question de la survie du peuple autochtone et noté que pour répondre à cette question d’un point de vue réfractaire il y avait essentiellement quatre options :
Option 1 : le « Camp des saints »
Option 2 : L’entrisme politique ou métapolitique
Option 3 : Le rémigrationnisme
Option 4 : L’autochtonisme
Nous avons envisagé (ici) la première option, le texte ci-dessous traite de la seconde]
L’entrisme est une stratégie politique (trotskyste à l’origine) qui consiste à faire entrer des militants dans une organisation rivale en vue d’en modifier la ligne politique. L’entrisme existe aussi au niveau métapolitque et pourrait se définir comme une stratégie visant à introduire non pas des militants mais des idées susceptibles de modifier l’idéologie de l’organisation visée.
L’entrisme comme stratégie répond à la loi de l’attraction universelle : c’est moins la Terre qui monte vers la pomme que la pomme qui tombe vers la Terre. Autrement dit, un militant infiltré a plus de risque d’être séduit par la ligne politique de l’organisation visée que cette organisation n’a de chance d’être attirée par la ligne politique de ce militant. Question de rapport de masse.
Cette loi se dément rarement. Lionel Jospin infiltré en 1971 de l’OCI au PS va renier tous ses idéaux de jeunesse pour devenir un libéral partisan des privatisations et de l’ouverture aux capitaux privés. A l’autre bout de l’échiquier, Alain Madelin, l’un des fondateurs d’Occident, intègre les Républicains indépendants de Giscard d’Estaing afin de mieux faire valoir ses idées (1968). Quelques décennies plus tard, après avoir renié ses anciennes amitiés et alors qu’il se pose en adversaire déclaré de Marine Le Pen, Madelin termine sa descente politique chez... Emmanuel Macron !
Une des conditions de l’entrisme est la proximité idéologique. A partir des années 50, les militants trotskystes pouvaient raisonnablement envisager de rejoindre les partis communistes nationaux, mais sans doute pas les « partis bourgeois ». Il faut en effet un minimum de compatibilité idéologique pour espérer infléchir la ligne politique d’une organisation sans se faire aussitôt exclure par celle-ci (ce qui arrive malgré tout le plus souvent).
Ceci étant rappelé, l’entrisme dans un parti politique établi, le Front National pour ne pas le nommer, est-il une solution pour assurer la pérennité du peuple autochtone au sein du « corps d’associés » républicain ? Certainement pas et cela pour deux raisons essentielles :
D’une part, parce qu’il ne peut y avoir de compatibilité idéologique entre un parti qui se veut « républicain » et un Autochtone conscient de son appartenance réelle. Conformément à la doxa républicaine, le FN considère que le « peuple français » est une accumulation indivisible d’individus de toutes races, religions, cultures qui ont pour dénominateur commun l’appartenance administrative à un Etat. Cette conception lui interdit de distinguer le peuple autochtone emprisonné au sein de cette accumulation multiraciale et multiculturelle. Dès lors, on ne peut espérer du FN qu’il accorde des droits collectifs (et encore moins le droit de disposer de lui-même) à un peuple dont il se refuse à reconnaître l’existence. Le Réfractaire qui entrerait au Front National avec pour objectif de réorienter les conceptions de ce parti, notamment en matière d’appartenance et de nationalité, perdrait son temps. Il serait forcé soit de se renier (accepter une définition strictement juridico-administrative de l’appartenance), soit de s’auto-exclure. Même si plusieurs milliers de réfractaires investissaient le FN (ce qui est impossible aujourd’hui) cela ne changerait rien au logiciel de ce parti : rapport de masses, demandez aux trotskystes qui ont investi le PS.
D’autre part, parce que l’ethno-arithmétique électoral exclura (ou changera) tôt ou tard le FN. En admettant que le FN arrive au pouvoir, en admettant encore qu’il applique son programme et qu’il parvienne à bloquer les vagues migratoires… les évolutions démographiques internes, notamment le poids grandissant de l’électorat allogène, ferait que tôt ou tard ce parti serait quand même éjecté de la direction des affaires. Combien de temps un FN trop « français » pourrait-il se maintenir au pouvoir : 5 ans, 10 ans ? 15 ans peut-être en faisant des concessions importantes aux masses immigrées ! Et ensuite ? Nous reviendrions alors à la problématique de départ mais dans un contexte bien plus dramatique.
Reste un entrisme métapolitique qui consisterait à influencer les idéaux et la grille de lecture de l’organisation visée de manière à infléchir sa ligne idéologique. La prise du pouvoir culturel, théorisé par Antonio Gramsci, dépend elle-aussi largement de la proximité des systèmes idéologiques en présence. Ainsi les « valeurs » de mai 68 ont pu facilement pénétrer la société traditionnelle parce que celles-ci étaient compatibles avec une société qui avait déjà perdu ses valeurs traditionnelles et ses « murs porteurs » (la Famille, l’Eglise, la Nation…). Dans quelle mesure les valeurs identitaires européennes sont-elles compatibles avec celles d’une société de plus en plus installée dans le multiculturalisme ? Poser la question revient à y répondre.
L’entrisme métapolitique peut alors réduire son niveau d’exigence. C’est un peu ce qu’à fait le G.R.E.C.E. dans les années 1970. A l’ambition vaine d’initier une « renaissance culturelle » de la civilisation européenne s’est progressivement substituée la volonté d’apporter des munitions idéologiques à la « droite la plus bête du monde ». Le G.R.E.C.E. s’est alors voulu « Nouvelle droite ». Il a suffi d’une campagne de presse bien orchestrée (plus de 500 articles « du Nouvel Observateur au Monde et de la Pravda à Playboy » entre juin et novembre 1979) pour détruire définitivement ce projet trop artificiel.
L’entrisme ne peut donc répondre à la question « comment assurer la survie de notre peuple ? ». Il est voué à l’échec car les partis républicains comme la société engendrée par la République ne sont plus compatibles avec nos valeurs identitaires. Le militant identitaire infiltré devra se renier (et véhiculer des idées toxiques pour le peuple autochtone) ou se faire exclure. Les valeurs identitaires européennes, quant à elles, ne pourront sortir du cercle de plus en plus étroit des Autochtones conscients. Croire qu’elles pourront influencer cette société relève de l’illusion.
Cela signifie-t-il que l’entrisme est à bannir absolument ? En tant que stratégie visant à assurer la survie du peuple autochtone, cela ne fait aucun doute. Tactiquement par contre, il peut être intéressant dans une situation donnée d’infiltrer des Réfractaires dans telle ou telle organisation pour s’assurer un avantage ponctuel. Mais cela ne peut être un but en soi et pour être efficace cela doit toujours s’inscrire dans le cadre du mouvement de renaissance autochtone. De la même manière, la diffusion des valeurs européennes doit irriguer prioritairement le corps autochtone et peut ponctuellement infiltrer tel ou tel lieu de la société globale, mais cet entrisme idéologique en territoire étranger ne sera jamais à lui seul une stratégie capable d’assurer la survie du peuple autochtone.
Antonin Campana