Le Général Flynn démissionné
Flynn est (était) une personnalité clé de l’administration Trump. Il avait pour mission de réformer la « Communauté du Renseignement », de la superviser et de la contrôler. Le Renseignement américain est en effet une véritable mafia hyperpuissante, pratiquant le trafic de drogue aussi bien que des assassinats, et totalement acquise aux néoconservateurs les plus extrémistes. Dès son investiture, Trump a pris soin d’exclure le directeur de la CIA du Conseil National de Sécurité (un organe clé de la politique étrangère américaine).
En rétorsion, la CIA a refusé à Robin Townley, assistant de Flynn, l’accréditation Défense pour siéger au Conseil National de Sécurité. Simultanément, le Renseignement américain a livré à la presse mainstream le contenu supposé de conversations que le général Flynn aurait eu avec l’ambassadeur de Russie. Pour faire pression sur Flynn, les « démocrates » ont alors exhumé une loi (Logan Act) datant de 1798 et jamais appliquée depuis en raison de sa constitutionnalité douteuse.
La conversation de Flynn avec l’ambassadeur russe est tout à fait insignifiante (Flynn n’aurait fait que répéter ce que Trump disait publiquement sur les sanctions contre la Russie) et infiniment moins grave en tous cas que les « fuites » organisées par les services de Renseignement, fuites qui pour le coup s’apparentent à une véritable trahison. Plutôt que prendre prétexte de cette trahison pour purger la CIA et consorts, Trump a alors accepté la démission de Flynn, un homme sur lequel il pouvait s’appuyer.
En résumé, Trump s’est couché et la « Communauté du renseignement » a imposé sa loi : c’est sans doute un tournant majeur dans la crise que traverse les Etats-Unis.
Retour à la doctrine Wolfowitz
Durant toute la période électorale, Trump a constamment affirmé qu’il voulait sortir de la logique impériale et guerrière qui prévaut aux Etats-Unis depuis les années 1990 et notamment depuis le « 11 Septembre ». Il n’a jamais caché qu’il privilégierait le partenariat plutôt que la confrontation, y compris avec la Russie. En clair, cela signifiait l’abandon de la doctrine Wolfowitz qui a structuré la politique étrangère américaine ces 25 dernières années et jusqu’au dernier jour de la présidence Obama.
Cette doctrine énonce que les Etats-Unis, dont les valeurs ont une légitimité universelle, doivent empêcher l’émergence de toute nation susceptible de contrarier l’hégémonie américaine. Sont principalement visées la Russie ou la Chine. Pour rester la seule superpuissance mondiale, les Etats-Unis doivent, selon cette doctrine, à la fois conserver une supériorité militaire absolue, contrôler les régions riches en énergie (pétrole, gaz…), et imposer la démocratie de marché.
On comprend facilement que la mise en œuvre de cette doctrine va surdévelopper et donner une place centrale aux services de renseignements, au complexe militaro-industriel, au Pentagone, aux ONG et fondations (qui assurent la promotion des « valeurs américaines ») et aux multinationales qui introduisent la démocratie de marché. En affirmant vouloir passer d’une économie de guerre à une économie de paix, Donald Trump a donc contrarié de nombreux intérêts.
Ces intérêts interdépendants et organisés en système n’ont pas manqué de faire savoir à Trump qu’il était hors de question de sortir de la doctrine Wolfowitz. Les combats ont repris début février au Donbass (avec accusation de la Russie par les médias maisntream). Le Pentagone a multiplié les provocations contre la Russie (le 13 janvier, positionnement de chars Abrams à quelques kilomètres de la frontière russe, le 30 janvier survol des côtes russes par des avions espions, le 02 février envoi d’un destroyer équipé de missiles en mer noire, le 13 février survol de la frontière russe par deux avions espions…).
Encore une fois, Trump s’est couché. Non seulement il n’a pas limogé les traîtres qui sabotent la politique étrangère de son gouvernement, mais il s’est rallié à leur narrative antirusse en déclarant via son porte-parole que la Russie doit « enfin » œuvrer à la désescalade en Ukraine et que la Crimée doit être restituée. Dans un tweet il se demande même si Obama n’a pas été trop « clément » à l’égard de la Russie ! Ce retournement à 180° signifie un retour à la politique impérialiste traditionnelle. Ici aussi, le président s’est soumis à l’Etat profond américain.
Ouvrons une parenthèse pour noter que la situation aux Etats-Unis a des répercussions en France. Il est impossible de ne pas remarquer les fortes similarités : Trump/Fillon accusés d’entretenir des liens troubles avec la Russie ; Trump/Fillon lynchés par les médias et mis dans l’impossibilité d’accéder au pouvoir ou de l’exercer ; Clinton/Macron victimes de pseudos cyberattaques russes ; CIA / DGSE intervenant dans le débat électoral... Dès que Fillon sera éliminé, Marine Le Pen prendra sa place. Elle doit s’attendre à de nouvelles « affaires » et à un déferlement extraordinaire de haine.
Par delà ces considérations, c’est évidemment une guerre qui se prépare. L’élection de Trump a un temps apaisé les tensions et éloigné le risque de guerre. Mais elle a aussi dévoilé les intentions réelles de l’Etat profond américain. Celui-ci a hystériquement désigné la Russie comme l’ennemie mortelle des Etats-Unis. Celle-ci a bien reçu le message. Le revirement de la politique étrangère de Trump, si elle se confirme, nous mettra alors tout prêt d’une confrontation majeure.
Tout va se jouer assez rapidement maintenant. Il est encore temps pour Trump de retourner la situation à son avantage. Pour cela, il doit s’adresser au peuple et mobiliser ses partisans, au besoin en leur faisant occuper la rue. Franchira-t-il le Rubicon ? Aujourd’hui, je n’y crois guère.
Antonin Campana