Retrouvez nos autres textes de cette catégorie « Synthèse » en cliquant ici.
Quel bilan pour l’universalisme républicain ? La République a-t-elle réussi son pari de l’universel ? Apparemment non, mais il faut voir plus loin que les apparences : si les peuples ont vomi cette universalité, les oligarchies s’y sont délicieusement vautrées.
1. Echec de la départementalisation de l’Europe
La République universelle s’est d’abord imposée au peuple français avant de tenter de s’imposer à l’Europe. Les « valeurs de la République » ont étendu leur empire par la violence, inventant la guerre de masse après avoir systématisé les massacres de masse.
L’objectif était de « départementaliser » les territoires conquis de manière à les « assimiler » politiquement et administrativement. Il s’agissait « d’uniformiser » selon des principes, des règles et des lois que l’on considérait valables en tous lieux et pour tous les hommes. L’expérience assimilatrice et uniformisatrice de la départementalisation de l’Europe se terminera tragiquement avec l’écroulement de l’Empire napoléonien et l’émancipation des peuples que la République avait voulu soumettre.
2. Echec de l’intégration des Juifs
L’intégration des Juifs reposait sur l’idée que les Juifs devenaient « individuellement citoyens » en rejoignant le corps d’associés (dit « peuple français ») et d’autre part que le « peuple juif » en tant « qu’association particulière » n’existait plus. Au début de la IIIe république, de nombreux républicains considèrent que les Juifs font preuve entre eux d’une solidarité particulière et constituent une sorte de « franc-maçonnerie » (selon les frères Goncourt), un « corps étranger » (Drumont), une « classe d’hommes » rompue à la « pratique de la solidarité » (Jaurès), bref des gens qui « votent en bloc comme juifs » (Jaurès) pour défendre leurs intérêts particuliers et non ceux de la nation toute entière. Si ces républicains avaient été moins dogmatiques, ils auraient en toute logique remis en cause le principe d’universalité de la République et admis que l’appartenance identitaire à un peuple réel supplantait naturellement l’appartenance juridico-administrative à un corps d’associés artificiel. Il n’en a rien été et plutôt que d’admettre l’utopie de la philosophie du contrat, les républicains ont accusé les Juifs de l’échec du modèle républicain, les avilissant pour mieux innocenter celui-ci et donnant ainsi naissance à l’antisémitisme moderne. L’affaire Dreyfus remettra temporairement les pendules à l’heure. Cinquante ans plus tard, la reconnaissance de l’Etat d’Israël par la république « française », une reconnaissance qui revient à reconnaître une idéologie (le sionisme) qui proclame que les Juifs font partie du seul peuple juif, renvoie Clermont-Tonnerre et le pacte républicain dans les poubelles de l’Histoire.
3. Echec de la colonisation
Le bilan du colonialisme est connu. Après la fin de la guerre de 1914-1945, la République perd progressivement toutes ses colonies. Le rêve d’une République universelle semble s’écrouler. De fait, en 1962, si l’on excepte les confettis d’empire encore à décoloniser (les « DOM – TOM »), la République ne peut guère exercer son universalité que sur les populations autochtones de la métropole.
L’assimilation et l’intégration des indigènes a lamentablement échoué malgré les violences que la République a exercé de manière légitime si l’on en croit Arthur Girault, fondateur du droit colonial républicain, qui énonçait en 1894 que si les indigènes refusaient « l’uniformité générale » on était en droit de les exterminer (CF. Synthèse autochtone 4). La République appliqua donc dans les colonies les méthodes qui furent les siennes en France (voyez le génocide vendéen) et en Europe. Le reflux des territoires colonisés et l‘acceptation par la République du droit des peuples colonisés à disposer d’eux-mêmes signent la fin d’un universalisme qui comptait sur les armes pour s‘imposer.
4. Echec des politiques d’immigration
Les politiques d’immigration poursuivent les mêmes buts et participent de la même logique que les politiques de colonisation. Plutôt que d’aller chez l’indigène pour l’assimiler, on le fait venir chez soi. On transfère donc des masses humaines importantes avec l’espoir d’en faire tout naturellement de nouveaux associés contractuellement intégrés au corps politique républicain. La République devient ainsi universelle, non en raison de son expansion territoriale comme dans les périodes précédentes, mais en raison de la « diversité » des hommes qu’elle rassemble.
La constitution de sociétés parallèles, l’apparition de zones où le droit républicain ne s’applique plus, les émeutes raciales, l’insécurité, la lutte armée entreprise par certaines factions allochtones (le « terrorisme » islamique), signent une nouvelle fois l’échec de l’universalisme républicain : les hommes conservent leurs appartenances et ne se transforment pas en des citoyens standards prisonniers d’une « uniformité générale ». L’universel par le Grand Remplacement est un nouvel échec.
5. Mais aussi une inquiétante réussite
Nous avons vu (Synthèse autochtone1) que l’universalisme républicain a été spontanément adopté par une paléo-oligarchie révolutionnaire composée d’avocats, de négociants et de banquiers : cet universalisme allait dans le sens de leurs intérêts économiques. Le colonialisme républicain sollicitera à nouveau cette oligarchie, faisant miroiter de juteuses affaires dans la réactivation d’une République géographiquement universelle. Quelques décennies plus tard, l’immigration de peuplement, qui fournira à l’oligarchie une main d’œuvre peu chère et peu exigeante, confirmera cette alliance entre l’oligarchie et la République. L’oligarchie est donc intimement liée au républicanisme. L’association du capital (oligarchique) et de l’idéal (républicain) donnera naissance à ce que nous avons appelé le « Système ».
Cette association contre nature est vraie en France dès les premiers balbutiements de la République mais aussi partout où la République a étendu son influence. Partout les oligarchies vont spontanément adopter ce système républicain qui rationnalise les rapports sociaux, standardise les individus, abolit les frontières entravant la circulation des hommes et des marchandises. Le reflux de la République en Europe ou dans les colonies, partout vécu par les peuples comme une libération, ne signifiera pas le reflux du républicanisme. Contre leurs peuples, les oligarchies locales, sitôt au pouvoir, réinstalleront des formes républicanoïdes de gouvernement et se poseront ainsi comme des systèmes de domination étrangers aux peuples, donc quasiment coloniaux.
Si la République universelle a partout connu l’échec, l’universalisme républicanoïde a partout séduit les élites dirigeantes. Les peuples qui ont chassé la République n’ont pas chassés les principes malsains qui justifiaient leur oppression. C’est incontestablement une réussite du régime à tuer les peuples. Une réussite qui sera lourde de conséquences.
Antonin Campana
Retrouvez nos autres textes de cette catégorie « Synthèse » en cliquant ici.