Ainsi l’armée syrienne irait de victoires en victoires. Il n’en a pas toujours été ainsi et il aura fallu des mois de combats acharnés contre un « groupe terroriste » pour faire reculer le front et reprendre une ville comme Palmyre. Cela devrait solliciter quand même le bon sens de « nos » journalistes !
Car l’armée syrienne, ce n’est pas rien : 200 000 hommes aguerris, bien équipés et encadrés, plusieurs centaines de chars, des milliers de véhicules blindés, 3 brigades de missiles dont des S300… et le soutien de l’aviation russe ! Bref une armée structurée, moderne, alimentée en munitions, en armes et en renseignements par la Russie.
Face à elle, ce que nos médias de propagande nomment le « groupe Etat islamique ». Or, à l’observation des faits, ce « groupe » est en mesure de tenir un véritable front face à au moins deux armées (l’armée syrienne et l’armée irakienne, sans compter les Kurdes ou la « coalition » emmenée par les Etats-Unis). Autrement dit ce « groupe terroriste » ne mène pas une guérilla, comme on pourrait s’y attendre de la part d’un « groupe », mais s’oppose frontalement à des armées, conquiert des territoires et les administre comme le ferait un véritable Etat : nomination de fonctionnaires, levée de l’impôt, installation d’un système éducatif, d’une justice islamique, etc.
Cela devrait interpeller les grandes âmes qui nous gouvernent.
Car enfin, comment un tel Etat entouré de pays qui lui sont hostiles (je rappelle que la Turquie, l’Arabie Saoudite et la Jordanie font partie de la « coalition » américaine, qu’Israël est comme toujours insoupçonnable, que la Syrie et l’Irak sont en première ligne face à « Daech » et que le Hezbollah veille sur le Liban), comment donc un tel Etat, quasiment cerné, ne disposant d’aucune industrie d’armement, peut-il mener plusieurs années de guerre face à une armée moderne ? En faisant de la « récup » de matériel comme le prétendent les agences anglo-saxonnes que citent nos médias ? Mais nous prend-t-on pour des débiles ?
En 2007, l’armée Française a utilisé, uniquement pour son entraînement (et l’on sait l’état d’indigence de l’armée française !), plus de 35 millions de munitions (l’armée US en utilise 1.8 milliard chaque année). Chaque combattant irakien ou afghan tué par les Américains a nécessité l’utilisation de 250 000 à 300 000 cartouches. Il s’agit certes de soldats américains mais cela donne malgré tout une idée des quantités de munitions nécessaires pour faire une guerre. Ainsi de nombreux pays belligérants ont connu en 1915 ce que l’on a appelé la « crise des obus », c’est-à-dire un manque global de munitions malgré la fabrication industrielle et à grande échelle de celles-ci. En Lybie, la France ne s’est-elle pas trouvée à cours de munitions en quelques jours ? Après les attentats du 13 novembre, la France a voulu intensifier un peu ses bombardements sur l’Etat islamique. Dès le début de décembre elle était à court de munitions et devait s’adresser au fournisseur américain pour renflouer ses stocks. Bref : on ne peut mener longtemps une guerre si l’on ne possède pas un complexe militaro industriel qui tourne à plein régime. Aucun stock ne saurait suffire plus de quelques semaines. Mais alors, quid de l’Etat islamique qui combat depuis plusieurs années sans aucune industrie d’armement ?
C’est bien ici qu’il y a problème : car s’il faut des armes et des munitions, beaucoup d’armes et de munitions, pour faire la guerre à la Syrie mais aussi à l’Irak, aux Kurdes et à quarante autres pays groupés dans une coalition, et si l’on n’a pas les moyens de fabriquer ses armes et ses munitions, d’où proviennent-elles ? Le problème devient insoluble si l’on se rappelle que l’Etat islamique est entouré de pays hostiles et alliés aux Etats-Unis. Il n’y a qu’une réponse possible à ces questions, c’est que ces armes proviennent d’autres pays et transitent à travers ces Etats prétendument hostiles, cela avec l’aval (comment pourrait-il en être autrement puisqu’ils surveillent tout ?)… des Etats-Unis eux-mêmes !
Mais cela (sauf pour nos journalistes), est un secret de polichinelle ! Ainsi le site russe Sputnik se demandait avec malice, fin 2015, comment il se pouvait que l’Etat islamique dispose soudainement de centaines de nouveaux 4X4 armés, de marque Toyota notamment. Des informations qui ne sont certes pas parvenues jusqu’aux oreilles de Pujadas faisaient état de deux avions britanniques remplis d’armes pour « Daesh » et abattus par les forces de sécurités irakiennes, ou d’armes ukrainiennes, notamment des missiles sol-air, qui par miracle se retrouvaient entre les mains de l’Etat islamique. On sait aussi que 20000 uniformes destinés à « Daesh » ont été interceptés en… Espagne et, suite aux révélations d’un quotidien turc, que les services de renseignement turcs livrent à l’Etat islamique des munitions de tous calibres, des caisses d’armes, des centaines de lance-grenades. Etc.
Le nonce apostolique en Irak, qui n’est sans doute pas un expert en armement mais qui a du bon sens, affirme que le Califat aurait du s’effondrer faute de munitions et de pièces de rechange pour ses armes et ses véhicules. Et s’il tient toujours, bien que cerné par des pays théoriquement ennemis, c’est qu’on l’arme via ces mêmes pays. Et ce « on », ce ne peut être que des pays sujets de l’Empire ou alliés à l’Empire ! Est-ce « complotiste » que de l’affirmer ?
Antonin Campana