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Terre Autochtone

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Le blog des aborigènes d'Europe, par Antonin Campana


Ponérologie 9 : Le interdits alimentaires, ou le cacher pour les nuls.

Publié par Antonin Campana sur 18 Février 2016, 14:25pm

Catégories : #PONEROLOGIE

Ponérologie 9 : Le interdits alimentaires, ou le cacher pour les nuls.

[Poursuite de notre petite histoire du Mal et petit regard sur les fondements d’une pratique qui implique distinctions et séparations. Les interdits alimentaires reproduisent symboliquement la création du monde et inculquent ainsi, par la loi et le conditionnement d’une praxis sévère, la nécessité de respecter et de reproduire les séparations voulues par Dieu.

NB : vous trouverez nos autres textes « ponérologie » dans la catégorie « Ponérologie » de ce blog. Il est recommandé, mais non indispensable,  de les lire dans l’ordre de parution]

 

Dans notre petite exploration de ce qui relève du Bien et du Mal selon la Bible (mais aussi selon la plupart des religions, y compris le paganisme européen), nous avons vu que le Bien et le pur respectaient les séparations à la base de la création du monde (séparation des éléments, mais aussi séparation des sexes, des nations, du prochain et du lointain…) et que le Mal et l’impur rapprochaient ce que Dieu avait séparé, ramenant le monde à la confusion du chaos originel. Les interdits alimentaires rappellent symboliquement et à chaque repas le principe de distinction  (distinction du pur et de l’impur) et la nécessité de respecter les séparations voulues par Dieu. Ils s’adressent à des peuples primitifs qu’il est nécessaire de conditionner par la praxis.  

 

Il est posé dans la Bible que la consommation de viande peut rendre impur. Pour éviter cette impureté, il faut séparer préalablement la chair et le sang où réside l’âme (Lev 17.14). Bien sûr, les animaux carnivores n’opèrent jamais cette séparation. Ils se rendent donc impurs. Or l’impureté, nous l’avons déjà signalé, est contagieuse. C’est pourquoi les quadrupèdes carnivores comme le chien, le chat ou l’ours sont impropres à la consommation.  

     L’impureté par contagion semble justifier un autre interdit alimentaire. On se souvient en effet que la terre est « maudite » depuis la faute originelle. C‘est pourquoi les animaux en contact trop étroit avec la terre (les « animaux rampants », les taupes, les souris, les lézards...), contaminés en quelque sorte, sont eux-aussi impropres à la consommation.

     D’autres animaux encore sont impurs. Ils présentent souvent les traces d’un mélange d’espèce, ou peuvent laisser supposer qu’un tel mélange a eu lieu (Lévitique chap. 11) :

  • Le chameau qui rumine mais n’a pas le sabot que possède le ruminant (le chameau et le dromadaire sont des digitigrades, des animaux qui reposent sur leurs doigts ou leurs pouces)

  • Le daman et le lièvre (pour les mêmes raisons d’absence de sabots. Ce ne sont pas des ruminants mais ils sont classés comme tels dans la Bible)

  • Le porc qui a le sabot du ruminant mais qui, omnivore, ne rumine pas

  • Les animaux aquatiques qui vivent comme des poissons mais n’ont ni écailles, ni nageoires comme il se devrait pour des poissons

  • Les oiseaux qui ne sont ni granivores, ni insectivores mais mangent (ou peuvent manger) de la viande : les rapaces (aigles, chouettes, orfraie...) mais encore les vautours, les mouettes, les hérons, les huppes, les cigognes, les autruches jusqu’aux chauves-souris dont la réputation de carnivores suceurs de sang paraît bien usurpée. Tout ce qui vole et se nourrit de chair (tels que cadavres, grenouilles, poissons, rongeurs, lézards, limaces, serpents...) représente une anomalie dans l’ordre des espèces, donc une impureté.

  • Les insectes ailés sauf les sauterelles. Le lévitique est incapable de nommer les différents types d’insectes ailés dont il fait par ailleurs une description erronée (« insectes à quatre pattes », dit-il, alors que l’on sait que les insectes ont toujours six pattes). Pour ce qui est de la sauterelle, l’identification est au contraire si précise que le Lévitique en nomme quatre types (neuf au total dans l’Ancien Testament). Cela pose d’ailleurs problème aux traducteurs qui se trouve dans l’obligation de conserver des mots difficilement traduisibles : sauterelles arbèh, soléam, hargol.... Ainsi donc l’insecte ailé à la forme et au comportement bien connu, identifié, répertorié, classé est considéré comme pur (la sauterelle herbivore). Les autres insectes quant à eux forment un mélange indistinct d’individus aux apparences confuses, aux formes les plus diverses, aux conduites les plus étranges (herbivores, mais aussi nécrophages). On les regroupe sous une désignation unique, ce sont des « insectes ailés », et on dit qu’ils sont impurs. Apparaître distinctement est une condition de la pureté. Ce qui est flou, chaotique, hybride, contradictoire, indistinct est toujours impur.

 

         En bref, l’impureté découle soit d’un contact avec quelque chose d’impur (la terre, mais aussi dans d’autres contextes la maladie ou la femme accouchée...) soit d’une manière d’être ou d’une apparence qui va à l’encontre du bon ordre divin, de la juste séparation entre les choses. L’impureté déclarée de certains animaux provient clairement de leur comportement transgressif, non conforme à leur nature, telle que décidée par Dieu. En eux se mélangent notamment des caractéristiques physiques et alimentaires divergentes et antagoniques : animaux qui ressemblent à des ruminants mais qui ne ruminent pas (le porc) ;  animaux qui ruminent mais ne ressemblent pas à des ruminants (le chameau) ; animaux qui vivent comme des poissons mais n’ont pas les écailles ou les nageoires des poissons ; oiseaux qui ressemblent à des oiseaux mais se conduisent comme des carnivores. L’impureté de ces animaux est de même nature que celle de l’homosexuel qui mêle apparence physique et pulsions sexuelles incompatibles : l’homosexuel remet en cause la claire distinction entre hommes et femmes comme le porc remet en question la distinction entre herbivores et carnivores.

     L’exemple du lièvre est à cet égard significatif. Celui-ci verse dans l’impureté sous le seul prétexte qu’il rumine alors qu’il n’a pas les sabots qu’il devrait posséder en tant que ruminant (« le lièvre qui rumine mais n’a pas le sabot fourchu : il est impur pour vous » Lev 11.6). En fait le lièvre ne rumine pas : il exerce un mouvement particulier de sa mâchoire et cela fait penser à tort à une rumination. Donc Lev. 11.6 se trompe. Mais cette erreur révèle la logique de l’impureté animale et des interdits alimentaires qui en découlent : est impur ce qui est anormal. Est anormal, tout ce qui exprime un mélange, une confusion, un désordre dans le vivant : un lièvre ne doit pas ruminer, ou alors il doit avoir le sabot fendu. Dans le cas contraire, il ne respecte pas sa nature et devient une créature dévoyée, donc impure.

    Principe de précaution oblige, la religion de la distinction classe enfin comme impur tout ce qu’elle ne parvient pas à distinguer franchement. Il en est ainsi des différents types d’insectes ailés, la sauterelle mise à part, car bien étudiée et répertoriée. La difficulté à identifier certaines espèces, à les classer, à les séparer des autres animaux en une existence autonome, est à la source de nombreux interdits alimentaires. Ce qui est mal distingué par les hommes devient impur : dans le doute abstiens-toi !

 

Se nourrir est nécessaire à la vie : les interdits alimentaires rappellent que la vie a été créée par distinctions et séparations. Les manières de table reproduisent symboliquement la création du monde et inculquent ainsi, par la loi et le conditionnement de la praxis, la nécessité de respecter et de reproduire les séparations voulues par Dieu. Les interdits alimentaires s’adressent donc à des populations qui ont besoin d’être bridées par une loi. Le christianisme va considérer que l’homme peut être émancipé de la loi au profit de la foi. Foi en Dieu mais aussi en ses divines séparations, véritable révolution dans un monde monothéiste légaliste et brutal. La foi plutôt que la loi : un pari qui va s’avérer risqué !

 

Antonin Campana

 

 

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A
Bonjour !<br /> J'ai lu la série de vos articles, intéressants, mais qui pour un catholique comportent quelques erreurs…<br /> J'ai laissé un commentaire sur le site où j'ai trouvé votre article car ma réponse intéresserait peut-être plus les catholiques que les lecteurs de votre blog.<br /> https://catholiquedefrance.fr/un-regard-sur-le-mal/<br /> bien à vous
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M
Bonjour,<br /> <br /> Je trouve votre réflexion très intéressante.<br /> <br /> Je suis moi même métis d'un père berbère musulman et d'une mère bretonne chrétienne.<br /> Je suis à un haut degré d'impureté donc... même si j'ironise j'en ai pris réellement conscience avec vos articles.<br /> <br /> Ma question maintenant : est ce que Dieu nous a laissé le choix de choisir le corps dans lequel l'âme allait aller ?<br /> <br /> Merci pour votre réflexion.
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B
le lièvre est bien un ruminant:<br /> Interviewé par un site catholique, Dominique Tassot explique le titre étrange de son livre, qui fait référence à un passage de la Bible qui a longtemps été décrié par la communauté scientifique. En effet, «dans le livre du Lévitique, il est affirmé que le lièvre est un ruminant (Lv 11, 6). Or le lièvre n’a pas un estomac en 4 parties comme la vache et on ne lui voit pas le bol alimentaire remonter par l’œsophage. La rumination du lièvre a donc été longtemps considéré comme l’exemple-type d’erreur dans la Bible», rappelle-t-il, avant d’ajouter «qu’une science plus complète, depuis les années 1950, a montré que la rumination n’était pas une particularité anatomique mais une transformation biochimique : les bactéries du rumen transforment les végétaux ingérés en des protéines qui remontent à la bouche en vue de leur digestion finale. Or l’estomac du lièvre possède un appendice latéral, le cæcum, où les végétaux mastiqués sont transformés par des bactéries en petites boulettes noires protéinées, les cæcotrophes. Ces dernières sont récupérées et avalées durant la nuit à l’anus. Le lièvre est donc bien un ruminant, mais la remontée du bol alimentaire est externe et n’avait pas été observée jadis».
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A
Je m'en tiens aux classifications généralement admises qui considèrent que le lièvre ne fait pas partie des ruminants. (Dominique Tassot est un penseur original qui remet en cause la théorie de l'évolution (c'est son droit bien sûr) et qui paraît assez isolé dans le monde scientifique -ce qui ne veut pas nécessairement dire qu'il se trompe !). Merci pour vos observations.

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