[ Liberté, Egalité, Fraternité : voici trois nouveaux mots-concepts que nous intégrons dans notre Glossaire impertinent]
Liberté
« Liberté » est le premier élément de la devise (« liberté, égalité*, fraternité* ») commune à la grande Loge de France, au Grand Orient de France et à la République* (Constitution art. 2).
La liberté (au singulier) est la faculté « de faire tout ce qui n’est pas contraire à la loi ». Autrement dit, c’est la faculté de faire tout ce qui n’est pas interdit par le régime politique. De fait, le concept républicain de « Liberté » n’exclut ni les limitations à la liberté d’expression (loi Fabius - Gayssot par exemple), ni la criminalisation de la pensée (délit d’opinion), ni le contrôle total des individus (lois sur le renseignement par exemple), ni l’interdiction faite au peuple autochtone de disposer de lui-même ou d’avoir des représentants.
La « Liberté », espace de libertés consenti par le régime politique à ses administrés, s’arrête là où commencent les intérêts vitaux dudit régime. Ainsi la « Liberté » dont jouissent les citoyens français ne va pas jusqu’à la possibilité de remettre en cause la République (Constitution article 89. Code pénal, Article 410.1).
Au contraire, les « libertés » (au pluriel) sont des conquêtes qui refoulent la limite des interdits décrétés par le régime : liberté syndicale, liberté d’association, liberté de l’enseignement, liberté de la presse, liberté des peuples, liberté historiographique…
L’extension des libertés concrètes représente un danger pour le régime car elles impliquent à terme la liberté de le renverser. La Liberté, au contraire, est un leurre qui légitime le régime et détourne le peuple de la conquête des vraies libertés : c’est une illusion destinée à faire croire au peuple qu’il est « libre » alors qu’il est prisonnier d’un régime politique transcendant dont il ne peut se défaire.
Egalité
« Egalité» : second élément de la devise (« liberté*, égalité, fraternité* ») commune à la grande Loge de France, au Grand Orient de France et à la République* (Constitution art. 2).
En République, le principe d’égalité est lié à la citoyenneté* et à la loi : la citoyenneté est la condition de l’égalité (un étranger ne bénéficie pas des mêmes droits qu’un citoyen*) et l’égalité de tous les citoyens est assurée « devant la loi » (Constitution).
L’Egalité républicaine est une entreprise de déshumanisation. En effet :
- L'Egalité s’obtient par la citoyenneté. Or, le concept républicain de « citoyenneté » ne reconnaît pas les distinctions d’origine, de sexe, de religion, d’identité… en fait toutes ces distinctions structurantes qui font d’un être de nature un être de culture et d’un animal un homme. Le mécanisme républicain de la citoyenneté dépossède donc l’individu de ce qui en lui est spécifiquement humain (sa culture, ses croyances, ses valeurs identitaires…) afin de le rendre universel et juridiquement standard (le « citoyen » n’est ni Blanc, ni Noir ; ni chrétien ni musulman ; ni homme ni femme…). L’Egalité s’obtient donc par la déshumanisation. Cette déshumanisation (juridique) conditionne l’égalité des citoyens dépouillés de leurs différences et justifie, puisque ce sont des « mêmes », qu’on leur applique la même loi.
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- Cette égalité devant la loi signifie que les citoyens devront être traités de la même manière (ce qui en réalité est rarement le cas) mais surtout qu’ils devront se soumettre à la même loi, c’est-à-dire, concrètement, qu’il leur sera interdit d’obéir aux lois spécifiques dictées par leur appartenance culturelle, religieuse ou ancestrale particulière. La loi est donc ici un moyen pour calibrer l’individu. Au nom de l’Egalité, celui-ci est progressivement formaté par une loi universaliste qui le sanctionne dès lors qu’il n’adopte pas certains comportements, qu’il tient certains propos, qu’il suit certaines pensées ou qu’il n’adhère pas à un mode de vie parfois aux antipodes de ce que lui dictent ses valeurs enracinées (voyez le traitement réservé aux Maires qui, conformément aux traditions autochtones, refusent le mariage homosexuel).
L’Egalité républicaine est donc le pivot du processus de déconstruction de l’humain : elle s’obtient par la « déshumanisation citoyenne » (qui fait de chaque individu un citoyen « sans distinctions ») ; elle justifie une loi universelle qui, par la contrainte, forge l’homme amoindri, citoyen du monde sans identité particulière et sans appartenance définie. L’Egalité républicaine n’est pas un droit acquis ou une valeur : c’est un processus subi d’égalisation qui a vocation à transformer les hommes en insectes sociaux indifférenciés.
Fraternité
« Fraternité» : troisième élément de la devise (« liberté*, égalité*, fraternité ») commune à la grande Loge de France, au Grand Orient de France et à la République* (Constitution art. 2).
Le concept suggère un lien de parenté entre « frères », donc une relation de solidarité entre gens de même lignée*.
Cependant, la République se refuse officiellement à « distinguer » les lignées et ne reconnaît que des citoyens* indifférenciés et des non citoyens. Pour la République, la fraternité ramène donc à la solidarité entre citoyens « sans distinctions », voire, le plus souvent, à la solidarité envers « l’Homme » en général (d’où cette France « terre d’asile »).
Le concept de Fraternité n’est donc pas un vecteur d’affirmation des origines ancestrales et des liens du sang, ce qu’il aurait pu être, mais une contrainte morale qui ouvre l’individu au monde, le dissocie de ses « frères » et de sa lignée, lui imposant bientôt l’accueil des « migrants » comme l’ouverture à « l’Autre ». L’homme amoindri et dénaturé, sans identité, sans lignée et sans frontières, simple unité solidaire d’un tout global (l’humanité) devient ainsi, grâce à une fraternité universelle obligée, un « citoyen du monde ».
Le concept républicain de Fraternité n’exprime donc pas le lien de parenté et de solidarité entre frères et sœurs mais, par un retournement étonnant, la dilution de ceux-ci dans l’universel.
Antonin Campana