[Selon la Bible, Dieu a séparé les peuples pour protéger sa Création. Puis il a choisi Israël à qui il a enseigné les distinctions/séparations fondamentales (le prochain et le lointain, l’homme et la femme, le profane et le sacré…), à charge pour le « peuple élu » d’enseigner ces grandes distinctions/séparations (NB : et non de promouvoir la confusion des genres, des lignées et des cultures !)].
NB : vous trouverez nos autres textes « ponérologie » dans la catégorie « Ponérologie » de ce blog. Il est recommandé de les lire dans l’ordre de parution.]
L’Ancien Testament se structure autour de trois notions clés : Dieu, le Peuple, la Séparation.
La Séparation est ce qui détermine la relation particulière de Yahvé avec Israël, de même que celle, plus conflictuelle, d’Israël avec les autres peuples. Israël est « élu » de Dieu, c’est-à-dire distingué positivement des autres peuples. Cette élection/séparation prend la forme d’une Alliance entre le Peuple hébreu et Dieu, mais engendre aussi une rupture plus ou moins brutale du « Peuple élu » avec tous les autres peuples.
Israël doit respecter la distinction flatteuse opérée par Dieu, c’est une des justifications possibles de cette phobie du mélange et de la mixité que nous observons tout au long de la Bible, et pas seulement dans l’Ancien Testament. Mais il y a aussi autre chose, de l’ordre du sacré, qui pourrait expliquer le refus constant de l’altérité : cette Alliance introduit une proximité avec le divin, il est donc nécessaire qu’Israël reste pur, donc qu’il ne se souille pas au contact des autres nations. Car la souillure est contagieuse nous l’avons vue.
Dieu ambitionne en effet de demeurer au milieu du peuple qu’il a choisi pour ses qualités. Celles-ci apparaissent clairement depuis Abraham, que Dieu déjà a « distingué » des autres hommes (Gn 18.16), Isaac, cet homme un peu fanatique prêt à égorger son propre fils sur ordre de Yahvé, ou Jacob/Israël qui a vu Dieu « face à face » sans mourir (Gn 32.31).
Israël, pour reprendre une expression d’André Neher, philosophe juif contemporain, est « un peuple se trouvant à la limite du divin et de l’humain » (A. Neher, l’identité juive, Paris Séghers, 1989). Dit autrement, Israël serait une sorte de sas de décontamination qui permettrait à « l’humanité anonyme » de recevoir la parole de Dieu sans profaner Dieu. La mise en place de ce « peuple prêtre » permettrait de conjurer la violation, déjà commise plusieurs fois, de la frontière entre l’humain et le divin, le sacré et le profane.
Ce sas de décontamination est le fruit d’un choix discriminant. Dieu a séparé les peuples, puis il a jeté son dévolu sur un « peuple particulier », dont il s’est « épris » (Dt 7.7), et qu’il a choisi pour réaliser ses plans. Cela est certes consternant, mais tous les peuples ne sont pas égaux dans le cœur de Dieu !
Le peuple d’Israël a été « choisi » par Yahvé parmi tous les autres peuples : « C’est moi Yahvé, votre Dieu, qui vous ai distingué d’entre les peuples » (Lev 20.24). Ce choix est rappelé à plusieurs reprises (Deut 7.6 par ex.). C’est pourquoi le « peuple choisi » est devenu un « bien particulier » du divin auquel il est « consacré » (Dt 7.6), manière de dire qu’il est voué à Dieu et dédié au sacré.
Israël est différent des autres peuples en son essence même. Le Livre de la Sagesse qualifie Israël de « peuple saint » et de « race irréprochable » composée de « Justes » (Sag 10.15 s.). Pour le Livre de l’Exode, Israël est une « nation sainte » (Ex 19.6). Le Deutéronome explique que c’est une nation à qui est promise la « supériorité» (Dt 28.1), dont les représentants, quasi fils de Dieu, ont été engendrés « sans tare » (Dt 32.5), ce qui explique sans doute qu’elle soit « élue ». Esdras reprend l’idée qu’Israël est une « race sainte » (Esd 9.1), Isaïe va jusqu’à en faire la « lumière des nations » (Is 42.6), voire un peuple de « ministres de Dieu » (Is 61.6), bref un « royaume de prêtres » (Ex 19.6).
Les commandements
Ce « royaumes de prêtres » est le fruit d’une distinction. Sa prêtrise consistera précisément à respecter les grandes distinctions, ainsi qu’à les enseigner.
Dieu, au regard des péchés d’indistinction commis par Adam, Caïn, et l’humanité qui existait avant d’être exterminée par le Déluge, a de bonnes raisons de mettre en doute les capacités de discernement des hommes. Ceux-ci, apparemment, ne comprennent pas les séparations et le bien fondé des distinctions qui structurent la Création. Visiblement trop liés au Mal, ils versent dans la confusion et engendrent sans cesse du chaos. Il fallait donc leur donner des règles strictes, des lois, des commandements qui les tiennent, par la terreur s’il le faut, sur leur vie si cela est nécessaire. Globalement, ces commandements peuvent se résumer ainsi : «tu distingueras, et tu respecteras ces distinctions ».
Le Décalogue est une première série de lois, qui peut s’énoncer ainsi (en suivant le classement de l’Eglise catholique) :
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Tu distingueras le vrai Dieu que tu aimeras, des faux dieux devant lesquels tu ne te prosterneras pas (Ex 20.6)
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Tu distingueras le nom de Dieu que tu ne prononceras pas sans fondement (Ex 20.7)
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Tu distingueras le jourdu Sabbat pour le sanctifier (Ex 20.8)
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Tu distingueras ton père et ta mère que tu honoreras (Ex 20.12)
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Tu distingueras celui que tu peux tuer de celui que tu ne dois pas tuer (Ex 20.13)
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Tu distingueras la femme de ton prochain, avec qui tu n’auras pas de rapport sexuel (Ex 20.14)
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Tu distingueras le bien de ton prochain, que tu ne voleras pas (Ex 20.15)
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Tu distingueras la vérité du mensonge (en ne témoignant pas mensongèrement contre ton prochain) (Ex 20.16)
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Tu distingueras le désir licite pour les biens du lointain du désir illicite pour les biens du prochain (Ex 20.17)
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Tu distingueras le désir licite pour la femme du lointain du désir illicite pour la femme du prochain (Ex 20.17)
Mais, tout ceci mérite quelques explications !
A suivre
Antonin Campana