[Il faudrait que les Chrétiens, pour ceux d’entre eux qui luttent aux côtés des forces structurantes, se départissent de cette bienveillance qui les paralyse et, reprenant le chemin que Dieu leur indique, se comptent davantage parmi les « bons » que les « gentils »].
NB : vous trouverez nos autres textes « ponérologie » dans la catégorie « Ponérologie » de ce blog. Il est recommandé de les lire dans l’ordre de parution.]
Pour les Chrétiens, Dieu est reconnu comme Amour ( 1Jn 4.16 s.). Les jeunes catholiques apprennent dès les premiers cours de catéchisme que Dieu est « infiniment bon ». Plus tard ils se posent ce genre de questions que j’extraie d’un forum Internet : « En tant que catholique, j'ai toujours appris et entendu dire que Dieu était infiniment bon et miséricordieux. Que son pardon n'avait pas de limite. De fait, quelle faute aussi horrible soit-elle, pourrait pousser un Dieu d’amour à supplicier quelqu’un pour l’éternité ? ». On pourrait ajouter : « quelle faute aussi horrible soit-elle, pourrait pousser un Dieu d’amour à exterminer la presque totalité des êtres vivants sur la Terre ? »
C’est que les Chrétiens, incapables de regarder la vérité en face, font une confusion (et la confusion est satanique) regrettable : il confonde la bonté et la gentillesse.
Cela les entraîne sur des voies sans issue du genre : « Pourquoi Dieu, s’il est bon et tout puissant, permet-il le mal et la souffrance ? ». Les Pères de l’Eglise, pas plus que les internautes, n’ont trouvé de réponse satisfaisante à cette question. Je veux dire qu’aucun d’entre eux n’est parvenu à totalement innocenter Dieu. On oscille entre les réponses hypocrites (le mal réel c’est douter de la bonté de Dieu), aux réponses fuyantes (les voies de Dieu sont impénétrables à la Raison). L’existence du Mal semble exclure soit la gentillesse absolue, soit la puissance absolue. Mais qu’en est-il de la « bonté ? ».
Et d’abord, qu’est-ce qui est « bon » dans la Genèse ?
Les premières lignes nous renseignent suffisamment à ce sujet. Il est « bon » de séparer la lumière des ténèbres, il est « bon » de séparer la terre de l’amas des eaux, il est « bon » de faire sortir des arbres de la terre, il est « bon » de séparer le jour de la nuit... Il est répété à plusieurs reprises et avec insistance que tout cela, jusqu’à la création de l’Homme et de la Femme, est « bon » : « Dieu vit tout ce qu’il avait fait, et voici que cela était très bon » (Gn 1.31). Tout ce qui répond au vouloir de Dieu est donc considéré comme « bon ». Ce vouloir est ordonnant, organisateur, hiérarchisant. On pourrait donc dire que le « bon » est ce qui structure, clarifie et met en ordre. Si Dieu est infiniment bon, c’est qu’il est infiniment structurant, c’est que sa finalité propre, celle vers laquelle il tend naturellement est la structuration du néant et du chaos. Cela ne suppose absolument pas qu’il soit « gentil ». La structuration peut supposer la destruction de ce qui lui fait barrage. Il n’était pas gentil de pousser Adam hors du Jardin, ni d’exterminer l’humanité par le déluge, ni de détruire les villes de Sodome et Gomorrhe, ni de faire (ou d’ordonner de faire) tant d’autres choses que même le pire des assassins n’oserait imaginer dans ses rêves les plus délirants : c’était « bon », c’est-à-dire nécessaire à la structuration du monde, face au Mal déstructurant.
Car si la Genèse pose le Bien qui construit le bon, elle met aussi en scène le Mal qui se nourrit de « pensées mauvaises » et de « malice » (Gn 6.6). Tout ce qui est «mauvais » et « malicieux » engendre et se nourrit de « perversité ». Autrement dit, le Mal est ce qui dénature le monde pensé par Dieu, le renvoie par touches successives au chaos, au désordre originel, à la « violence » (Gn 6.11) primitive des éléments déchaînés (c’est-à-dire délivrés des chaînes, ce Verbe divin qui maintient les choses à leur place, dans leur catégorie et leur ordre, leur interdisant de se mélanger, de se mêler, de s’entremêler dans le désordre et la confusion). Tout ce qui déconstruit la Création et détruit le monde en détournant les choses de leur nature voulue par Dieu est maléfique.
Ainsi, le bon est ce qui structure, le mauvais est ce qui déstructure. Le Bien est structurant, le Mal est déstructurant. La gentillesse c’est autre chose et n’a pas droit de cité dans la Bible. Les enjeux de la lutte à mort entre le Bien et le Mal sont si importants que cette qualité un peu niaise n’est pas la bienvenue. L’Amour (Dieu est Amour), c’est autre chose, qui n’est pas la gentillesse non plus : on peut tuer par amour. Dieu est un artiste qui aime son œuvre et qui préfère la détruire plutôt que la voir dénaturée par son pire ennemi. Il le dit lui-même : « je suis un Dieu Jaloux ».
Les Chrétiens, pas tous et pas toujours, n’ont absolument pas compris que la bonté au sens où on l’entend habituellement (qualité de celui qui aime faire le bien, est généreux, charitable, procure aux autres de l’agrément et de la joie...) n’est pas un attribut de Dieu. Dieu est bon parce qu’il structure et donne du sens à la confusion originelle, et aussi parce qu’il lutte pied à pied pour bloquer le processus d’involution mis en œuvre par les forces déstructurantes qui règnent sur les hommes et le monde. Le combat par lui mené est plus souvent cruel que gentil. La Bible nous montre à foison que la pitié n’est pas de mise face au Mal. Il faudrait que les Chrétiens, pour ceux d’entre eux qui luttent aux côtés des forces structurantes, se départissent de cette bienveillance qui les paralyse et, reprenant le chemin que Dieu leur indique et que nous allons maintenant parcourir, se comptent davantage parmi les « bons » que les « gentils ».
A suivre
Antonin Campana