Et si notre monde s’effondrait brutalement, et si la population mondiale était divisée par six ou sept, et si Mad Max devenait notre quotidien ? Délire ? Balivernes ? Pas si sûr, voyez plutôt :
Parlons crise financière pour commencer. Voici une explication peu académique de cette crise, qui a l’avantage de lui redonner sa place dans une problématique plus globale :
A partir de 2005-2006, la production de pétrole a cessé de croître. Dès ce moment des géologues, des experts indépendants, des cadres supérieurs retraités de sociétés pétrolières… ont averti de l’imminence du pic pétrolier. Ceux-ci ont immédiatement été contrés par les économistes, les compagnies pétrolières, les gouvernements et même l’AIE, l’Agence Internationale de l’énergie. Un discours apaisant sur le thème « pas d’inquiétude, au rythme actuel de consommation, nous aurons du pétrole pendant des décennies», a alors envahi les médias.
Seulement voilà : les lanceurs d’alerte avaient raison ! En 2010, l’AIE faisait savoir que le pétrole conventionnel (80% de la production) avait atteint un « pic historique » en 2006, et que la production n’augmenterait plus jamais. Chaque fois que nous trouvons un baril de pétrole sur la planète, nous en consommons sept (en 1960 le rapport était quasiment inverse : 1 baril de consommé pour six de découvert)… et il nous faut désormais trouver l’équivalent de six Arabie Saoudite si nous voulons maintenir (pas faire croître, maintenir) notre production industrielle et agricole.
Dès 2006, les spécialistes et les compagnies pétrolières qui informent l’AIE savent que nous avons atteint le pic pétrolier. Et si eux le savent, les magnats de la finance, Wall Street et les banques le savent aussi.
Quelles sont les conséquences du pic pétrolier pour l’économie financière ?
Elles sont simples et terribles à la fois. Il y a un lien entre énergie disponible et production : si vous disposez d’une quantité stable d’énergie, vous ne pourrez pas augmenter votre production industrielle. Si vous n’augmentez pas votre production, vous n’aurez pas de « croissance ». Et si vous n’avez pas de « croissance », vous ne pourrez jamais rembourser vos dettes ! Dès 2006, les banques savent donc avec certitude que les dettes ne seront jamais remboursées !
Que se passe-t-il alors ? La crise des subprimes ! Elle commencent début 2007, lorsque les établissements financiers tentent de se dessaisir des dettes les plus risquées (celles détenues par les classes populaires victimes du ralentissement économique qui s’amorce). Les financiers savent en effet que la crise n’est pas conjoncturelle mais structurelle (l’énergie disponible ne permet plus une croissance durable) et qu’il faut à tous prix sortir les subprimes de leurs comptes. Bien sûr, ces dettes ne trouvent plus preneur et leur valeur sur les marchés descend à zéro. Cela déclenche une crise financière qui accentue une crise économique qui dure jusqu’à aujourd’hui.
La destruction de l’économie réelle est telle que la demande de pétrole est aujourd’hui inférieure à l’offre ! La première conséquence est la baisse du prix du baril. Mais cette baisse a à son tour un effet pervers : la rentabilité des compagnies pétrolières chute considérablement. Cela se traduit par des licenciements dans leur secteur d'activité, mais surtout par des investissements considérablement réduits, dans la recherche notamment de nouveaux gisements. Autrement dit, un cercle vicieux est enclenché : pic pétrolier => déclin de l’économie mondiale => déplétion (baisse de la production pétrolière) => déclin encore accentué de l’économie mondiale => déplétion => etc. Le pic pétrolier provoque une destruction de l’économie qui à son tour va accentuer la baisse de production pétrolière qui à son tour va accentuer le déclin de l’économie… Les banques de leur côté hésitent à faire crédit aux entreprises, préférant un marché boursier sous perfusion des banques centrales, plutôt qu’une économie réelle contrainte par une énergie (et des matières premières) de plus en plus rares. Les entreprises investissent donc moins et cherchent à améliorer leur productivité par la pression sur les salaires et les licenciements, accentuant ainsi le problème de la dette (celle des ménages mais aussi celle des Etats qui ont moins de rentrées fiscales et plus de charges sociales).
En résumé, le pic pétrolier nous a fait entrer dans un cercle vicieux dont nous ne sortirons pas. Il y a quelques jours la FED a refusé d’augmenter ses taux, signifiant aux marchés que la crise n’était pas terminée. Autrement dit, la FED (comme toutes les banques centrales en fait) continue d’inonder les marchés d’argent gratuit, ce qui enrichit certains, dope les Bourses, le marché de l’Art ou les achats d’entreprises publiques, mais n’a aucun effet sur l’économie réelle qui continue sa dégringolade, provoquant ce que nous nommons « l’austérité ».
Jusqu’où cela peut il aller ? La logique voudrait que l’on réorganise nos sociétés en fonction des limites que nous impose la planète. Ce n’est pas le chemin que nous prenons. « Nos » dirigeants sont dans le déni le plus total, aussi il est probable que les choses vont continuer à se dégrader. Cela est d’autant plus regrettable que nos sociétés sont devenues fortement hétérogènes, donc conflictuelles et peu résilientes. Ajoutons, ce qui n’est pas le moins inquiétant, que le contrôle des ressources disponibles fait déjà l’objet de conflits armés qui vont encore accentuer le problème énergétique. Nous observons donc un emballement et une accélération de la crise (crise énergétique au départ, puis crise financière, crise économique, crise géopolitique, crise migratoire, crise politique, crise identitaire…). « Nos » instances dirigeantes semblent avoir totalement perdu le contrôle de la situation : ils subissent sans pouvoir rien faire et ont toujours un coup de retard sur une crise devenue globale et multiforme.
Cet emballement crisique fait prendre à la désorganisation globale (sociale, économique, géopolitique…) un régime de plus en plus rapide. Passé un certain seuil, c’est l’ensemble de la société qui peut s’écrouler. A partir de l’étude de l’effondrement de l’URSS, Dmitri Orlov décrit cinq stades d’effondrement : l’effondrement financier, économique, politique, sociologique et culturel (la Russie serait parvenue au troisième stade, le cinquième correspondant à une quasi-perte d’humanité).
Si l’on va au-delà des apparences, nous nous apercevons que la Finance ne survit que par les billets de Monopoly émis par les banques centrales, que l’économie est déjà dans un coma dépassé, que le système politique ne dispose d’aucun pouvoir réel, que le sociologique est gangréné par une communautarisation conflictuelle et que le culturel est miné par le relativisme et des comportements sociétaux contre-natures. Autrement dit, l’effondrement de chacun des stades peut être simultané et mondial et non progressif et localisé comme en URSS. La planète a perdu sa résilience (et je ne parle même pas d’écologie) et le moindre choc (économique, financier, monétaire, géopolitique…) peut désormais lui faire franchir un seuil irréversible.
Nous sommes habitués à trouver facilement de quoi nous nourrir. Si effondrement global il y a, c’en sera fini des chaînes d’approvisionnement et des réseaux (d’eau, d’électricité, de gaz…). Nous pouvons nous nourrir parce que notre supermarché préféré (qui fonctionne en flux tendus !) est lui-même alimenté en biens de consommation. Et notre supermarché est alimenté en biens de consommation parce que des millions de fourmis consciencieuses se rendent tous les matins à leur travail pour les produire et les livrer. Ce ne sera bien sûr plus le cas si l’économie s’effondre.
Dans une telle hypothèse quelles seront vos chances de trouver de la nourriture trois jours après l’effondrement ? Quasiment nulles. Combien de temps pouvez-vous tenir sans manger ? 15 jours si vous espérez retrouver votre forme d’antan, 30 jours si vous consentez à des lésions parfois irréversibles. Que se passera-t-il selon vous au quatrième jour sachant que vous vivez dans un milieu urbain ethniquement hétérogène, où circulent des armes et dont la solidarité n’est pas le trait dominant ? A chacun de trouver sa réponse, mais à mon sens il y aura une certaine « sélection naturelle ».
Le pic pétrolier, la crise économique et les remous géopolitiques… nous disent que la fête est terminée. Notre civilisation industrielle est « game over » : son effondrement peut se produire à tout moment à partir de maintenant (et le déni en sera une des causes). Alors faites des réserves de nourriture et organisez-vous pour permettre à votre famille de survivre. Quand les choses vont commencer, il sera trop tard !
Antonin Campana