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Terre Autochtone

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Le blog des aborigènes d'Europe, par Antonin Campana


La République, matrice du mondialisme (1/4)

Publié par Antonin Campana sur 24 Avril 2015, 17:40pm

Catégories : #Les joies de la nation Frankenstein

La République, matrice du mondialisme (1/4)

 

1. Assimilation

[Le colonialisme n’a pas été un « accident » dans l’histoire de la République : il procède directement des idées fétides de 1789. La « mission civilisatrice » républicaine est le préalable d’une « assimilation » devant uniformiser métropole et colonies dans un même bloc homogène en matière politique,  réglementaire, monétaire, économique….]

     Lorsque Ferry s’adresse à la Chambre pour convaincre les républicains de se lancer dans l’aventure coloniale, il développe cyniquement des arguments d’ordre économique : c’est qu’il  s’adresse aux représentants de l’oligarchie qui, comme aujourd’hui, ne fonctionne guère qu’au bénéfice de ses propres intérêts. Mais il lance aussi son fameux « devoir pour les races supérieures de civiliser les races inférieures ». Là est l’essentiel pour Ferry comme pour tous les théoriciens de la colonisation : promouvoir et répandre l’universalisme républicain, reprendre le grand œuvre révolutionnaire qui est de convertir le monde afin de l’unifier dans une République universelle.

     Pour s’en rendre compte, il suffit de se plonger dans le livre fondamental d’Arthur Girault, paru en 1894 : Principes de colonisation et de législation coloniale. Dès sa parution, l’ouvrage devient la référence incontournable du système colonial républicain. Le livre sera à l’origine du droit colonial et les « principes » exposés, enseignés en faculté de droit, influenceront des générations de juristes. Exprimant les conceptions d’une époque et de l’idéologie coloniale de la République, il aura un impact significatif sur le personnel politique, les ministres, les administrateurs coloniaux, les officiers de troupes coloniales… Il sera réédité cinq fois jusqu’en 1927.

    Arthur Girault croit en la « mission civilisatrice » de la colonisation : « coloniser, écrit-il, c’est fonder une nouvelle société civilisée ». C’est le point de vue (majoritaire) défendu par Ferry mais aussi des personnalités aussi diverses que Victor Hugo (la colonisation dit celui-ci, c’est « la civilisation qui marche sur la barbarie (…),  un peuple éclairé qui s’en va trouver un peuple dans la nuit »), Victor Schoelcher, pourtant « ami des Noirs » (mais aussi co-président du Congrès colonial international de 1889), ou Jean Jaurès (qui en 1884 voit dans la France une « lumière bienfaisante » partout où elle resplendit).

     La mission civilisatrice justifie par avance la colonisation et lui donne une légitimité morale difficilement contestable. Girault voit trois façon de la mener à bien : par l’assujettissement, par l’autonomie ou par l’assimilation.

     L’assujettissement ne considère que l’intérêt de la métropole, écrit Girault. C’est une exploitation brutale et tyrannique de pays neufs au nom du profit. Pour Girault, la politique d’assujettissement est donc contraire aux idéaux de la Révolution et ne peut être retenue comme une formule valable (« Tous les hommes sont libres et égaux, ils ont les mêmes droits et doivent se traiter en frères sans distinction de patrie, de couleur ou de latitude »)

     La seconde formule est l’autonomie coloniale dont l’Angleterre est le plus fervent adepte. Girault y voit trois inconvénients majeurs : il est nécessaire que la colonie soit autosuffisante sans avoir besoin de l’appui de la métropole, le peuplement doit être homogène sous peine d’extermination réciproque, la colonie doit être suffisamment éloignée de la métropole.

     Reste la troisième formule qui a la faveur des républicains et de Girault : l’assimilation.

     L’idéal de l’assimilation, écrit Girault, n’est pas la séparation mais l’union de plus en plus intime entre la colonie, destinée à n’être qu’un département éloigné, et la métropole : « pourquoi distinguer ? », demande-t-il. Colonie et métropole ne doivent former qu’un même territoire soumis aux mêmes règles. Cette politique, écrit Girault, est conforme aux « idées républicaines » (« La révolution a eu tout au moins le mérite d’avoir une politique coloniale ferme et constante basée toute entière sur un principe : l’assimilation »), elle a été poussée dans ses dernières conséquences par les « assemblée révolutionnaires » et après la parenthèse du second empire, poursuit Girault, se réaffirme avec vigueur depuis 1870. Par la politique d’assimilation et l’action civilisatrice, la colonisation se montre digne héritière des principes fondamentaux de la République et apparaît en cela comme une expression du républicanisme.

      En quoi consiste la politique d’assimilation selon Arthur Girault ? A terme, idéalement, après un processus plus ou moins long et plus ou moins douloureux « les habitants des colonies doivent avoir les mêmes droits, les mêmes garanties, les mêmes libertés que ceux de la métropole. Ils bénéficient de la même législation civile, ils sont placés sous la sauvegarde des mêmes principes constitutionnels, ils sont citoyens, électeurs, et envoient, comme les autres, leurs représentants siéger dans les assemblées ». Girault parle d’un « idéal de l’assimilation », un idéal vers lequel il faut tendre pour organiser « l’union de plus en plus étroite de toutes les fractions du territoire de la République » afin d’obtenir « un état de choses dans lequel il n’y aurait plus une métropole et des colonies mais simplement la Nation ».

     L’assimilation, « c’est les principes de 1789 » écrit Girault. Les principes, certes, mais aussi les méthodes, à la manière de 1793 et des guerres de Vendée : « Quand aux indigènes (…) si on espère pouvoir leur inculquer nos idées et nos mœurs, alors on travaille avec ardeur à en faire des Français comme les autres : on les instruit, on leur accorde le droit de suffrage, on les habille à l’européenne, on substitue nos lois à leurs coutumes, on  poursuit en un mot l’assimilation des indigènes. Mais si on désespère d’arriver à ce résultat, s’ils se montrent réfractaires à notre civilisation, alors, pour les empêcher de jeter une note discordante au milieu de l’uniformité générale, on les extermine ou on les refoule (…) on ne veut pas se résigner à les laisser tranquilles ».

     Dans l’idéal, l’assimilation républicaine doit engendrer une situation où règne une «uniformité générale » qui ne permette plus de « distinguer » les différentes parties du territoire de la République. La « Nation »  ainsi comprise est un empire qui présente en tous lieux les mêmes caractéristiques. Ainsi, selon Girault, au terme du projet assimilateur, pourrait-on voir sur tout le territoire de la République, métropole et colonies confondues dans l’homogène :

  • Une législation unique « sans distinctions »

  • Les mêmes divisions administratives en départements, arrondissements, cantons, communes.

  • Le même encadrement administratif (préfets, sous-préfets, maires…)

  • La même fiscalité

  • Le même pouvoir budgétaire

  • L’union douanière et le libre échange réciproque

  • Les mêmes droits individuels liés à une même citoyenneté (obligations militaires, admissibilités aux emplois publics, suffrage universel…)

     Arthur Girault a raison de souligner que cet idéal de l’assimilation coloniale procède directement de la Révolution et des principes de la République. Nul ne le contredit sur ce registre et c’est sa voix qui s’impose naturellement dans les universités, les administrations coloniales ou les ministères. De fait, si l’on fait un petit retour en arrière, on s’apercevra que le colonialisme républicain est l’image amplifiée de ce que fut l’impérialisme républicain des temps révolutionnaires, et que l’idéal colonial n’est que le bégaiement d’une volonté uniformisatrice qui s’est d’abord exercée en Europe.

(A suivre)

Antonin Campana

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