[En Nouvelle-Calédonie, territoire de la République, les Français de statut civil coutumier n’ont pas le droit de se marier avec des personnes de même sexe. Les Kanaks ont démontré qu’être un million dans les rues « contre » une loi, est moins efficace que se battre à quelques dizaines de milliers, « pour » des droits. La lutte pour les droits civiques autochtones est le moyen le plus efficace de contrer les délires républicains].
A l’occasion de la promotion de la loi sur le « mariage pour tous » nous avons entendu des propos assez cocasses sur « l’égalité ». Il fallait croire que le droit traditionnel accordé à tous, indistinctement, de se marier avec une personne du sexe opposé n’était pas strictement égalitaire. Mais il est vrai que ce droit traditionnel et millénaire supposait par définition qu’un homme n’était pas une femme (et réciproquement), ce qui ne pouvait que déplaire à une République rêvant de niveler et de standardiser, ne voyant que l’Homme abstrait (asexué, déculturé, déraciné) derrière les hommes concrets (et les femmes). Passons.
Le problème, pour la République, c’est que le mariage homosexuel, dit « mariage pour tous », a bien révélé une inégalité, importante, fondamentale, discriminante… mais à cent lieues de l’inégalité factice que nos benêts de républicains ont mis en avant. En effet, la loi sur le « mariage pour tous » suppose que tous les citoyens français, sans exception, aient le droit de se marier avec une personne du même sexe. Mais est-ce vraiment le cas ?
Petit retour en arrière, en guise de parenthèse :
Souvenons-nous : plus d’un million de personnes ont manifesté dans les rues contre cette loi qui ne tenait aucun compte des traditions séculaires des Autochtones de France (ou même des Allochtones). Pour quel résultat ? Aucun, si ce n’est le mépris.
Autre souvenir, à peine plus lointain : en 1999, la République, suite aux violences en Nouvelle-Calédonie et aux accords de Nouméa, s’apprêtait à promulguer la fameuse loi organique 99-209. L’article 9 du projet de loi, relatif à l’acquisition du statut autochtone à la naissance (dit « statut civil coutumier ») requérait que « les deux parents relèvent du statut civil coutumier ». Le mot « parents », trop imprécis, laissait la porte ouverte à une homoparentalité qui ne correspondait pas plus aux traditions des Autochtones de Nouvelle-Calédonie qu’aux traditions des Autochtones de France. Connaissant le caractère ombrageux des Kanaks et n’écoutant qu’un courage qui ne leur disait rien, les élus républicains ont spontanément voté un «amendement de précision » (sic) substituant à la notion de « parents » celles de «père » et « mère ». Il ne faut jamais désespérer des républicains. Mais c’était en 1999.
Depuis, la loi dite du « mariage pour tous » a été votée par les mêmes, ou à peu près. S’applique-t-elle aux citoyens français de Nouvelle-Calédonie ayant le statut autochtone ? Et bien non !
Il faut savoir qu’en vertu de la loi organique relative à la Nouvelle-Calédonie, les Kanaks disposent d’un statut civil particulier (dit coutumier) différent du statut civil de droit commun (le nôtre) et profite à ce titre d’un registre d’état civil coutumier (sur lequel sont inscrits les Autochtones), de services d’état civil coutumier, et de droits collectifs qui leur sont propres. Les Kanaks peuvent ainsi codifier les règles juridiques du mariage et de l’adoption en fonction de leurs traditions et de leur identité. Et devinez quoi ? Le mariage homosexuel est interdit ! Vous avez bien lu : les Français néo-calédonien de statut civil coutumier ne peuvent « bénéficier » de la loi ouvrant le mariage aux personnes de même sexe ! En voilà une « inégalité » !
En fait, encore une fois, l’inégalité n’est pas où l’on pense. Il est normal que les Autochtones de Nouvelle-Calédonie aient les moyens de protéger leurs traditions des délires républicains. Ce qui n’est pas normal, ce qui est fortement inégalitaire, c’est que les Autochtones de France ne disposent pas d’un droit équivalent.
Une nouvelle fois, et c’est la raison d’être de ce blog, nous voyons que l’autochtonisme, c’est-à-dire la lutte pour les droits collectifs des Autochtones, englobe de nombreux combats et leur donne une solution et des perspectives révolutionnaires. Les Kanaks nous ont montré qu’être un million dans les rues «contre» une loi, est moins efficace que se battre à quelques dizaines de milliers, «pour » des droits. La lutte pour les droits civiques autochtones est la clé, il serait temps de les revendiquer.
Antonin Campana