[Les lois liberticides ne sont qu’un symptôme : celui de l’échec de la République, de l’effondrement cataclysmique de son modèle de société, de la fermeture d’une parenthèse absurde ouverte il y a plus de deux siècles. Ces lois entérinent la fin du « vivre ensemble » et annoncent le retour à un réel conflictuel dont la République sera tenue responsable].
Dès le début janvier, nous annoncions (ici et là) que la république profiterait des attentats islamistes pour restreindre les libertés et mieux contrôler les populations. Depuis, des sites internet ont été bloqués, et un projet de loi a été élaboré. Celui-ci sera très prochainement présenté en conseil des ministres. Il donne aux services de renseignements des pouvoirs similaires à ceux d’une police secrète. La loi républicaine va bientôt autoriser les policiers à s’introduire chez vous pour y poser des micros et des caméras, à placer des mouchards sur votre véhicule, des logiciels espions sur votre ordinateur, à intercepter votre courrier électronique et vos SMS, à « aspirer » dans la rue, grâce à un équipement placé dans une valise, les contenus de tous les téléphones et ordinateurs présents à proximité… Des « boites noires » vont être installées chez les opérateurs de télécommunications et fournisseurs d’accès internet de manière à détecter les « comportements suspects ». Vous ne pourrez plus utiliser votre argent comme vous l’entendez et ne pourrez plus échapper ni au système bancaire, ni au traçage de vos dépenses : les paiements en argent liquide supérieurs à 1000€ seront interdits (en attendant leur interdiction totale).
Alors évidemment, tout cela est fait au nom du Bien, de la « lutte contre le terrorisme » et contre les « suspects de terrorisme », mais chacun sait que nous serons (que nous sommes) tous concernés. Il faudra à l’avenir bannir certains mots de nos mails, de nos conversations, de nos SMS sous peine de déclencher une surveillance automatique. Il faudra éviter certains sites politiquement incorrects, et pas seulement des sites islamistes. Il faudra éviter certains achats, il faudra se méfier de son écran de téléviseur qui pourra vous observer, il faudra chuchoter...
Les services de renseignements républicains seront (sont) dotés de moyens de surveillance de la population supérieurs à ceux de la Stasi ou de la Securitate. Si l’on ajoute à ce contrôle des populations, les patrouilles armées dans les rues, les limitations diverses et variées de la liberté d’expression, la terreur intellectuelle et la « police de la pensée », le contrôle des dépenses de chacun… alors il faut convenir qu’objectivement, si l’on s’en tient à la description des faits, la République se transforme progressivement en un système dictatorial « primitif », de type militaire.
Ici l’erreur consisterait à penser que ces mesures liberticides sont conjoncturelles et temporaires.
Elles ne le sont pas pour une raison très simple : elles découlent de l’échec du « vivre ensemble » républicain.
En construisant une société métissée et hétérogène organisée autour d’un espace public « neutre » la République pensait créer une sorte de village planétaire harmonieux. Malheureusement, le domaine public n’est pas aussi « neutre » que les courtisans du système le disent (d’une part l’idée d’un domaine public « neutre » n’est pas « neutre » – comment, par exemple, un croyant pourrait-il accepter l’idée que Dieu en soit absent ? - ; d’autre part ce domaine n’est pas neutre car idéologiquement républicain ; enfin il ne peut être neutre car tout homme aspire naturellement à y projeter son identité). Le domaine public « neutre » est donc l’objet d’une lutte identitaire et politique acharnée dont les récents attentats ne sont que l’épiphénomène. En réaction, pour sauver son système et garder sa prééminence sur le domaine public, la République est contrainte à restreindre les libertés.
En résumé : la République a élaboré un modèle de société métissée qui a commencé à s’effondrer (malheureusement le modèle républicain a été exporté dans tout l’Occident. C’est pourquoi tout l’Occident rencontre le même type de problèmes et adopte les mêmes dispositions dictatoriales). Pour grignoter vainement quelques années, la République est dans l’obligation d’employer la manière forte. C’est pourquoi les dispositions qu’elle adopte aujourd’hui ne sont pas temporaires mais sont au contraire destinées à se durcir considérablement. Il va falloir nous habituer à un pouvoir politique totalitaire qui pour notre bien contrôle de manière constante nos propos, nos pensées, nos déplacements, nos biens, nos relations, nos lectures, nos visages….
Les lois liberticides ne sont donc qu’un symptôme : celui de l’échec de la République, de l’effondrement cataclysmique de son modèle de société, de la fermeture d’une parenthèse absurde ouverte il y a plus de deux siècles. Ces lois entérinent la fin du « vivre ensemble » et annoncent le retour à un réel conflictuel dont la République sera tenue responsable.
Antonin Campana