Dès lors que la République prétend représenter ce qui est commun aux hommes, elle ne peut revendiquer la francité, puisque la francité est spécifique à certains hommes seulement.
Dès lors que la République se veut au-dessus des distinctions d’origine, de religion, d’identité… elle ne peut se dire « française », sauf par abus de langage ou incohérence, puisque la Francité renvoie précisément à une distinction d’origine, de religion, de culture, d’identité, de mémoire...
La République ne peut à la fois se dire « française » et proclamer une universalité qui la mettrait en capacité d’intégrer des hommes venus de toute la terre. Ce qui est « français » ne peut par définition être universel, à moins d’amoindrir la francité et de nier tout ce qui en elle est de l’ordre du spécifique. Dans ce cas, on parlerait à bon droit d’une volonté de déculturation. Mais quel crime se serait alors ! Quelle détermination à détruire ce qui fut construit par un peuple durant des millénaires ! Quelle déconstruction perverse d’une identité à seule fin de ramener les faits à l’idéologie ! Derrière cette volonté de réduire la francité à une sorte de plus petit dénominateur commun à tous les hommes (PPDC), n’y aurait-il pas alors un désir pervers de commettre un ethnocide et une haine inexpiable pour le peuple français ?
Amoindrir la francité : c’est ce que n’hésitent pas à faire les républicains lorsqu’ils ramènent sans complexe les valeurs de la France à celles de 1789.
Pour être à la fois « universelle » (c’est-à-dire compatible avec toutes les cultures, religions, identités, origines…), et « française » (c’est-à-dire propre à une identité particulière), la République impose le mythe d’une identité française qui s’incarnerait pleinement dans les « valeurs universelles » du coup d’Etat républicain (appelé aussi « Révolution »). Cependant, l’échec des politiques d’intégration montre que ces valeurs ne sont pas aussi universelles que la République le prétend avec arrogance. Et l’hostilité manifestée face aux revendications identitaires autochtones montre que la République n’est pas aussi française qu’elle le prétend avec suffisance. En fait, la République n’est ni universelle, ni française : elle se sert de la France pour se donner des allures universelles. L’expression « République française » est un oxymore, mais aussi la signature d’une grave entreprise républicaine de dénaturation de la francité et de déculturation d’un peuple.
Empêtrée dans ses contradictions insurmontables, la République porte atteinte non seulement à l’identité française mais aussi à la France, dont elle est obligée de nier la singularité européenne, la décrivant bêtement comme un mélange, un métissage, un « creuset » mixant des hommes de toutes les origines, autrement dit une nation universelle, pendant de la République universelle. On en arrive à un sous-entendu risible et plein d’une insupportable outrecuidance, qui fait de la francité l’identité suprême de l’Homme et même son horizon indépassable (les frères Kouachi n’étaient pas d’accord).
La République n’est donc pas « française », elle est trop transcendante pour l’être, trop divine. Qu’Elle reste dans les cieux et traite directement avec l’Homme. Qu’Elle délaisse la France, cette pauvre singularité terrestre parmi d’autres singularités terrestres, trop insignifiante pour Elle, trop étroite pour qu’Elle puisse s’y mouvoir à son aise. Petitement, les Français ne prétendent qu’au particulier et au spécifique. Ils ne sont pas dignes d’Elle, ils ne sont pas à sa mesure : que la République ne se rabaisse plus à se dire « française » !
Antonin Campana