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Terre Autochtone

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Le blog des aborigènes d'Europe, par Antonin Campana


Du processus d’identification de la République à la France (3/5)

Publié par Antonin Campana sur 16 Mars 2015, 07:19am

Catégories : #Perspectives Autochtones

Du processus d’identification de la République à la France (3/5)
(Suite)
La violence du processus d’identification de la République à la France prendra sa pleine mesure à l’Ecole et à l’Armée, toutes deux obligatoires.
L’Ecole dite « républicaine » ou « de la République » fut un véritable lieu d’éducation et de rééducation d’une population réfractaire. Pour Ferdinand Buisson, un des principaux collaborateurs de Ferry, « le premier devoir d’une République est de faire des républicains » (discours du congrès du parti radical, 1903). De fait, la vocation première de l’enseignement obligatoire (tenu par des maîtres républicains, les fameux « hussards noirs de la République »), laïc (c’est-à-dire idéologiquement limité aux « valeurs de la République »), et gratuit (au contraire des écoles congréganistes) a été d’identifier la République à la France de manière à rendre incontestable le régime politique. Jules Ferry ne s’en cache pas :
« Quand toute la jeunesse française aura grandi sous cette triple étoile [l’obligation, la gratuité, la laïcité], la République n’aura plus rien à redouter » (1)
Il faut lire sa « Lettre aux Instituteurs » (novembre 1883). Sans honte, le « grand homme » demande aux maîtres d’user de leur influence auprès des enfants pour « changer d’ici à quelques générations les habitudes et les idées des populations » ! Ce sera un honneur pour le corps enseignant, écrit-il perfidement, d’inspirer aux élus républicains des Chambres l’opinion qu’il y a en chaque instituteur « un auxiliaire naturel du progrès moral et social » : manière allusive, puisque la République incarne précisément le « progrès », de signifier que le maître d’école est naturellement un auxiliaire zélé du pouvoir en place. Sous un vocabulaire à peine voilé (on parle « éducation morale » ou «instruction civique » plutôt qu’endoctrinement politique), Ferry demande aux enseignants de profiter de la « docilité » des enfants, de leur « confiance » pour leur inculquer les « principes de la morale », le « respect de la loi », la « justice», la « vérité »… l’objectif étant de « former ou réformer » les « âmes », pour « préparer à notre pays une génération de bons citoyens », tous républicains il va sans dire…
Pour Ferry, l’Ecole est donc une « maison d’éducation » organisée « d’après l’idéal entrevu par la Révolution Française ». Pour lui, il s’agit essentiellement de « former des citoyens » et mêmes de « bons citoyens » dont la République, identifiée à la France, n’aura plus rien à redouter. Ce processus d’identification prendra corps à travers l’instruction civique, l’éducation morale mais aussi à travers l’idéologie de la revanche.
Le revanchisme républicain va raconter une mythistoire qui fait se confondre la République et la France. Il inscrit l’épopée des grandes figures de la République (Gambetta, Ferry, Favre…) dans un roman national : la République proclamée, la « Défense nationale », le départ de Gambetta en ballon, la Résistance, le Gouvernement à Bordeaux, les cinq milliards de francs-or, la libération mais l’injuste annexion de l’Alsace-Lorraine, la Revanche… Il lie la République amputée et la France mutilée. C’est durant ces années revanchardes que la République, aidé en cela par le fameux texte (tronqué) de Renan (Qu’est-ce qu’une nation ?), définit la France comme un « vouloir vivre ensemble » qui correspond parfaitement au « corps d’associés » incarné par la République, renforçant ainsi implicitement l’assimilation de l’une à l’autre.
Bataillon scolaire à Beauvais vers 1890
Bataillon scolaire à Beauvais vers 1890
L’idéologie de la revanche est aussi prétexte, par un décret scélérat du 06 juillet 1882, à incorporer les enfants des écoles, dès l’âge de douze ans, dans des « bataillons scolaires » militairement organisés et armés (parfois de vrais fusils). Au nom de la Patrie, les enfants enrégimentés participent aux grandes messes républicaines du 14 juillet, honorent le drapeau républicain, chantent la Marseillaise …et s’exercent au tir, en attendant l’heure de la Revanche qui sera, pour beaucoup d’entre eux, celle de leur mort. Quand ils en auront fini avec ce conditionnement abject, la République les incorporera sans tarder dans les «armées de la République » qui continueront ce lavage de cerveau systématique.
(A suivre)
Antonin Campana

1. Ferdinand Buisson, L'œuvre de Jules Ferry, Revue Pédagogique, 50, 1907

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