L’identification de la République à la France relève donc d’une volonté consciente, d’une stratégique machiavélique datée, qui a abouti dans les années 1880-1890. En voici les grandes étapes :
- 1792 : la République s’affirme « française » (déclaration du 25 septembre 1792)
- 1848 : le drapeau tricolore associé à la République devient définitivement le drapeau « français » (décret du 05 mars 1848)
- 1877 : Marianne, emblème de la République, figure désormais la France.
- 1879 : l’hymne des armées de la République (la Marseillaise) devient « chant national français » (séance de l’Assemblée du 14 février 1879)
- 1880 : la devise républicaine (liberté, égalité, fraternité), affichée sur tous les édifices publics, devient la devise de la France (14 juillet 1880)
- 1880 : le 14 juillet est adopté comme jour de fête nationale française
- 1895 : les conquêtes de la République en Afrique de l’ouest (au profit des affairistes républicains) sont dites « françaises » (L’Afrique-Occidentale « française »)
- 1910 : les conquêtes de la République en Afrique centrale (au profit des affairistes républicains) sont dites « françaises » (L’Afrique-Equatoriale « française »).
- 1914 : « Armée française » et « Armée de la République » sont d’usage courant et interchangeable - Etc.
Parvenir à faire croire, comme ce fut le cas, qu’un régime politique se confond avec une nation au point même que le nom du régime politique puisse se substituer à celui de la nation (la République / la France), relève du grand art machiavélique le plus abouti et rend ledit régime quasi indéboulonnable. Toute critique ou remise en cause de la République, de ses symboles, de ses principes, de sa devise, sera automatiquement perçu comme une remise en cause de la France. Il faudra un long travail pédagogique de déconditionnement pour faire comprendre qu’un régime politique et une nation sont des réalités différentes, que parler de la République ou parler de la France ne revient pas à parler de la même chose. La France existait des siècles avant la République et existera encore lorsque ce régime absurde aura disparu : l’identification de l’une à l’autre est une escroquerie intellectuelle d’autant plus insupportable que ce régime politique suppose la destruction de la France pour accéder à l’universalité fantasmée.
N’allons pas croire que ce processus d’identification se fit naturellement et sans violences. Au contraire, pour parvenir à ses fins la République s’est conduite comme un système totalitaire, ne reculant devant aucune forfaiture. L’idée que « la France est une République » (Constitution) a sans doute justifié la révision constitutionnelle de 1884 interdisant la remise en cause de la République ainsi que la loi de 1886 exilant tous les membres des familles royales et impériales ayant régné sur la France (loi abrogée intégralement en… 2011 !). Cette « loi d’exil » sera le prétexte d’une première épuration de l’armée française (destinée à devenir dans son intégralité une « armée de la République»). La loi de 1884 aura la même fonction au sein du Parlement, si bien que l’Assemblée dite « nationale » ne sera bientôt peuplée que de républicains bon teint. C’est donc grâce à la violence politique que la République a pu à bon droit affirmer que les élus républicains, donc la République, représentaient la nation. Par la « représentation nationale » trafiquée, la République, une nouvelle fois, pouvait s’assimiler à la France.