L’incapacité à distinguer la République de la France est constante dans le discours républicain. Pourtant, comme nous l’avons déjà montré, la République ne peut se dire « française » pour au moins deux raisons :
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La francité représente le singulier et le spécifique, alors que la République prétend être universelle en ses valeurs, ses principes et ses institutions (notons que cette universalité proclamée est seule à même de légitimer les processus d’intégration puis de naturalisation de tous les hommes résidant au milieu du peuple autochtone. L’intégration n’est ici qu’un apprentissage élémentaire des règles de fonctionnement d’un système posé comme universellement acceptable).
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La République représente la catégorie juridique des « citoyens » et, bien que ceux-ci soient venus de toute la terre, elle prétend ne pas « distinguer » selon l’origine, la race et la religion (article 1er de la Constitution). Parce qu’elle ignore les appartenances identitaires, la République ignore la francité (sauf à la réduire abusivement à la citoyenneté) et ne peut donc s’en réclamer.
L’identification de la République à la France, aujourd’hui effective dans les esprits, n’allait pas de soi. Jusqu’à la fin du XIXe siècle, les Français dissociaient clairement le régime politique de la nation et n’assimilaient pas spontanément l’un à l’autre. Les élections de 1871 envoient deux tiers de monarchistes à l’Assemblée. Aux élections législatives d’octobre 1877 le camp républicain fait 60% des voies seulement alors que la situation leur est très favorable. L’Affaire Dreyfus (1894) montre qu’une majorité de Français n’est pas encore complètement acquise aux thèses républicaines.
L’opération d’identification de la République à la France était pour les républicains stratégiquement indispensable. Elle dénote un sens politique machiavélique dont étaient dénués leurs adversaires. La République allait ainsi entreprendre méthodiquement un long travail d’endoctrinement et de conditionnement pavlovien du peuple français à travers l’école, l’armée, une symbolique omniprésente…
Pourquoi, d’un point de vue républicain, l’identification de la République à la France était-elle si importante ? Pour au moins trois raisons :
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Tout d’abord parce que, nous l’avons vu, le peuple français n’était pas clairement acquis à la République. Il fallait que cela change.
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Ensuite parce qu’il fallait rendre intouchable la République, la sanctuariser. Depuis 1884, il était constitutionnellement interdit de remettre en cause la forme républicaine de gouvernement, mais cela ne suffisait pas : il fallait une adhésion intime de chacun. Seule une assimilation totale de la République à la France pouvait rendre la République intangible : toute atteinte à la République et à ses symboles (le drapeau tricolore par exemple, objet de discorde dans les années 1870) serait vécue par les Français comme une atteinte intolérable à la France et au peuple français.
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Parce qu’il fallait détourner au profit de la République le sentiment patriotique des Français. Les intérêts idéologiques, coloniaux, politiques, économiques… de la nomenklatura républicaine pourrait alors être aisément présentés comme étant ceux de la France. La République pourrait utiliser cyniquement le sentiment national pour répandre ses idéaux mondialistes par la violence, les oligarques républicains pourraient faire de juteuses affaires dans les colonies avec du sang français généreusement versé « au nom de la France».
(A suivre)
Antonin Campana