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2) La prise de conscience autochtone
La conscience autochtone ne peut émerger que si l’Autochtone est en contact avec des populations exogènes. C’est l’altérité, durablement installée sur son territoire qui pousse l’Autochtone à se penser comme tel. Ce processus d’émergence de la conscience autochtone, nous le nommons « processus d’autochtonisation » ou « autochtonisation ».
La rapidité de le prise de conscience autochtone dépend de la distance culturelle séparant les Autochtones des Allochtones, de la différence des modes de vie, des divergences religieuses, des types ethniques en présence, des rapports démographiques… Elle dépend aussi du pouvoir d’Etat qui cherchera toujours, plus ou moins maladroitement, à freiner ce processus (en France par « l’apprentissage du vivre semble », par le culte de la « diversité », par la propagande « antiraciste », par l’occultation médiatique des faits, par le politiquement correct, par la sacralisation des « valeurs de la République »…).
Pourtant, si on observe l’histoire récente depuis la décolonisation, on constatera que la prise de conscience autochtone est inéluctable, quels que soient les moyens mis en œuvre par l’Etat dominant. Cette prise de conscience, dès lors qu’elle est amorcée, oblige toujours le Politique à penser et à reconnaître le peuple autochtone comme une réalité identitaire, sociale et politique incontournable. Les processus de décolonisation, par exemple, découlent d’une prise de conscience autochtone dans les sociétés colonisées, donc de l’affirmation d’un peuple (que le pouvoir colonial a l’intelligence de reconnaître… ou pas, au risque des « guerres coloniales »). Dès que la prise de conscience autochtone a atteint un certain degré, l’Etat constitué se trouve dans l’obligation de prendre en compte le peuple autochtone et de lui accorder des droits collectifs. Il n’y a pas d’exemple de peuples autochtones, même très minoritaires, qui ne réussissent tôt ou tard à s’imposer ou à faire plier l’Etat qui les nie.
En fonction du contexte nous pouvons dégager trois grands processus d’autochtonisation (étant entendu que l’Autochtone est Autochtone même s’il n’a pas conscience de l’être) :
La prise de conscience autochtone provoquée par une situation de type colonial (celle des Kanaks en Nouvelle Calédonie par exemple)
La prise de conscience autochtone provoquée par des phénomènes migratoires (celle des Européens en Europe par exemple)
La prise de conscience autochtone provoquée par un phénomène rémigratoire (celle des Juifs en Palestine par exemple)
Il est bien évident que ces trois types de prise de conscience autochtone vont générer des autochtonismes différents (que nous regrouperons plus loin en trois grandes catégories). Cependant nous observerons que l’autochtonisme recherche toujours, dans un premier temps et quel que soit la situation, une cohabitation non conflictuelle qui prenne néanmoins en compte la prééminence et l’antériorité autochtone. Ce n’est que dans un second temps (souvent après une réaction inappropriée des populations exogènes et/ou de l’Etat dominant), qu’il radicalise ses revendications et les moyens de faire valoir ses droits.
Un des facteurs accélérant de l’émergence de la conscience autochtone est aussi, dans les trois cas, l’image qui est donnée de l’Autochtone par le système de représentation élaboré par les populations exogènes et l’Etat intégrateur. L’Autochtone est toujours « ensauvagé », diabolisé, affublé de tares comportementales qui le situent presque hors de l’humanité. Les colons dépeignent volontiers le Mélanésien comme anthropophage, l’Indien comme cruel et sauvage… L’immigré décrit souvent le Français comme xénophobe et raciste, soutenu en cela par l’Etat républicain…. Une abondante littérature vient à l’appui de ce qui précède, on s’y référera utilement.
Ce système de représentation dévalorisant et raciste provoque en retour chez les Autochtones une prise de conscience de leur altérité qui peut aller, chez ceux d’entre eux qui sont les moins assurés dans leur identité, jusqu’à reproduire les comportements dont on les accuse.
(A suivre)
Antonin Campana