Le peuple autochtone de France existe-t-il ?
Est-il un « peuple distinct » englobé dans la « communauté étatique » républicaine, une sorte de grumeau dans le melting-pot républicain, ou n’est-il qu’un fantasme ?
Sauf à considérer que le « peuple français » n’existait pas avant 1789, sauf a considérer qu’il a été détruit ou dissous depuis lors, ce qui serait un crime contre l’humanité, sauf à prouver qu’il n’a pas su se reproduire (et l’auteur de ces lignes est la preuve vivante du contraire), sauf à démontrer qu’il n’a su transmettre à ses descendants ni sa culture, ni sa religion, ni son mode de vie, ni sa singularité (idem)… bref, sauf à refuser la réalité, il nous faut bien convenir que le millénaire « peuple français » existe toujours.
Le fait que le régime républicain l’ait abusivement réduit à une communauté étatique, le fait que la république l’ait défini comme un « corps d’associés » ouvert à l’humanité entière, le fait qu’elle ait enfoui le peuple autochtone sous des couches de plus en plus épaisses de nouveaux entrants, le fait qu’elle ait ainsi constitué une sorte de gangue qui l’emprisonne, ne change rien à l’affaire : notre peuple existe ! Et si notre peuple existe, il a des droits !
L’existence du peuple français autochtone (comment pourrait-il en être autrement ?) est donc un fait incontestable, même si les instances politiques républicaines s’obstinent dans un déni stupide. Elle se manifeste clairement à l’observateur qui distinguera facilement les autochtones des autres membres de la communauté étatique. Pourtant, sous prétexte qu’elle accorde les mêmes droits individuels aux différents membres de cette communauté, la République refuse les droits collectifs au peuple autochtone, ce que les documents internationaux qu’elle a signés lui interdisent de faire.
Pour justifier cette forfaiture la République est contrainte de nier l’existence de notre peuple et d’affirmer l’impossibilité de le distinguer de la communauté civique globale qu’elle a engendrée (elle préfère donc s’accuser d’un crime contre l’humanité, à savoir la désintégration d’un peuple identitaire, plutôt que reconnaître une réalité dérangeante pour son modèle idéologique).
Voici, pour sa gouverne (mais en a-t-elle vraiment besoin ?) quelques spécificités qui distinguent clairement cette réalité (historique) qu’est le peuple autochtone de cette autre réalité (artificielle) qu’est le « corps d’associés » républicain, communauté étatique hétérogène, globale et mondialisée (abusivement nommée « peuple français » par la République) :
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La religion
Le peuple autochtone de France est un peuple chrétien. Il est composé de chrétiens (culturels ou de religion)
La communauté étatique est multireligieuse. Elle est composée de chrétiens (de moins en moins), de juifs, de musulmans, de bouddhistes, d’hindouistes, d’animistes…
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La culture
Le peuple autochtone est de culture européenne et française
La communauté étatique est multiculturelle : européenne (de moins en moins), asiatique, africaine, juive, indienne, maghrébine….
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L’origine
Le peuple autochtone est d’origine européenne
La communauté étatique est multiethnique : européenne (de moins en moins), asiatique, africaine, nord-africaine….
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La Mémoire
Le peuple autochtone a une mémoire européocentrée (« nos ancêtres les Gaulois »…)
La communauté étatique a des mémoires polycentrées : « nos ancêtres les Gaulois » (de moins en moins), notre Terre d’Israël, notre Califat, nos ancêtres esclaves, nos ancêtres colonisés…
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L’Histoire
Le peuple autochtone a une histoire longue, multiséculaire
La communauté étatique a une histoire récente (deux siècles pour l’idéologie, 40 ans comme réalité concrète)
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L’appartenance
Le peuple autochtone est identitaire
La communauté étatique est juridico-administrative
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L’entre-soi
Le peuple autochtone se concentre sur des territoires à majorité autochtone (quartiers, villes, régions…)
La communauté étatique subit un « vivre ensemble » forcé
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Les aspirations
Le peuple autochtone aspire à perpétuer son mode de vie spécifique et ses valeurs traditionnelles
La communauté étatique a autant d’aspirations divergentes que de sociétés parallèles la constituant
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La conscience de soi
Le peuple autochtone a conscience de sa séculaire unité
La communauté étatique a conscience de son inconciliable « diversité »
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Le droit a l’existence
Le peuple autochtone est le-peuple-qui-n’existe-pas : il est prouvé par sa négation obstinée
La communauté étatique est le-seul-peuple-français-qui-soit : elle est déniée par son affirmation obstinée
Ne soyons pas naïfs, la République est parfaitement consciente de l’existence d’un peuple distinct autochtone au sein de la communauté étatique multiculturelle qu’elle a fabriquée. C’est elle qui lui a mis un masque de fer idéologique pour le cacher, c’est elle qui l’emprisonne dans cette geôle que constitue cette société contre nature. Son déni est feint et ne lui sert qu’à gagner du temps, avec l’espoir criminel que le peuple autochtone finisse par se dissoudre dans la bouillabaisse mondialisée qu’elle appelle de ses vœux.
Mais la République pressent maintenant que ce moment n’arrivera jamais et, pire pour elle, qu’elle devra tôt ou tard répondre de ses crimes. Aussi assiste-t-on à un véritable tir de barrage idéologique qui vise à gommer, dans une dernière tentative avant l’aveu, tout ce qui distingue le peuple autochtone du reste de la communauté étatique.
C’est l’objet du laïcisme (refouler le religieux), des « valeurs de la République » (refouler les valeurs identitaires), de l’antiracisme (masquer la diversité des populations), des lois mémorielles et de la récriture de l’Histoire (fabriquer une « mémoire collective »), de la citoyenneté juridique (substituable aux appartenance identitaires), de la « mixité sociale » (mettre fin à l’entre-soi), du « vivre ensemble » et du « pacte républicain » (désamorcer les désirs d’émancipation, d’autonomie ou d’indépendance )… : cela ne servira à rien, car pour la République il est déjà trop tard.
Plutôt que de prendre en compte les réalités, les républicains s’obstinent encore à les soumettre à leur idéologie. Confronté à leur Créature qui se fractionne et à leur échec menant à la guerre civile, ils ne trouvent rien de mieux que de faire appel à leur idéologie dépassée, celle précisément qui a mis la France dans cette situation. Une Vallaud-Belkacem trouve opportun de réorganiser le formatage des esprits à l’école (par un « parcours éducatif » républicain de l’école élémentaire à la Terminale !). Un Valls trouve judicieux de mener une « politique du peuplement » qui fera vivre chiens et chats dans une même cage. Un Cazeneuve répète, tel un autiste, qu’il « n’y a qu’un seul peuple français »…
Afin que d’autres solutions émergent, pour éviter la guerre qui vient, un pouvoir politique raisonnable devra tenir compte du réel : la communauté étatique multiculturelle est un bricolage explosif qui n’a aucune chance de devenir un « peuple » et le peuple autochtone de France est une réalité qu’on ne pourra plus occulter. Quand l’idéologie contredit les faits, c’est toujours l’idéologie qui s’efface. La République, quant à elle, ne fait pas partie des solutions : elle fait partie du problème.
Antonin Campana