N’en déplaise aux gardiens du dogme républicain : la République n’est pas la France.
La République est un régime politique alors que la France est une nation. Se pose alors la question de la relation du régime (temporaire) et de la nation (séculaire). Celui-ci peut-il changer celle-ci pour la faire correspondre à l’image falsifiée que lui donne son idéologie ? Certes non. C’est pourtant ce qu’il fait par une politique d’immigration et de naturalisation de masse.
La République produit ainsi environ 140 000 nouveaux « Français » par an, mais en a-t-elle seulement le droit ? Pas si sûr. La République, selon elle, exprime l’universel. C’est pourquoi, toujours selon elle, elle peut faire « vivre ensemble » des hommes venus de toute la terre quels que soient leurs origines, religions, mode de vie…
Le peuple français quant à lui exprime le spécifique. C’est pourquoi un Français se distingue d’un Chinois, d’un Lapon ou d’un Hottentot.
La République « universelle » et la nationalité « française » sont des réalités qui ne se situent donc pas au même niveau. Hormis le fait que l’une et l’autre sont clairement dissociées historiquement (il y avait des Français bien avant la République), le caractère universel de la République ne lui permet pas de définir le particulier : quand on exprime le plus petit dénominateur commun à tous les hommes on ne représente pas leurs différences, et la nationalité en est une. Le principe d’universalité n’autorise pas la République à décider des singularités qui feront qu’un homme sera Français, Chinois ou Sénégalais. Quand on se situe au niveau de l’Homme, on ne peut décider de l’appartenance des hommes. Il faut choisir.
Ce premier point rappelé, nous pouvons maintenant envisager la question d’un point de vue plus juridique. La République a en effet signé un texte fondamental qui l’oblige dans son appréhension de la nationalité : la Déclaration des nations Unies sur les droits des peuples autochtones (2007). Ce texte s’applique à tous les peuples autochtones. Les Européens étant les autochtones d’Europe, il s’applique donc aussi à notre peuple (principe de non discrimination).
Selon ce texte, les autochtones forment un « peuple distinct » qui peut « s’autodéterminer » (art. 3) et décider de son « appartenance » (art. 33).
Les autochtones ont le droit d’appartenir à une « nation autochtone » (art. 9). Ils ont « droit à une nationalité » (art. 6).
Les Etats (donc la République) ont pour obligation de prévenir tout acte ayant pour but ou pour effet de « priver les autochtones de leur intégrité en tant que peuples distincts, ou de leurs valeurs culturelles ou leur identité ethnique (…) ». Ils doivent prévenir « toute forme d’assimilation ou d’intégration forcée » (art. 8).
En résumé, la République égalitaire, qui a signé une Déclaration stipulant qu’on ne peut « dénier à un peuple quel qu’il soit son droit à l’autodétermination » (préambule) s’oblige d’une part à reconnaitre les aborigènes français comme peuple distinct formant une nation, s’oblige d’autre part à préserver l’intégrité et l’identité de cette nation sans tenter de l’assimiler ou de l’intégrer à son propre modèle de société (multiculturel).
Autrement dit : la République ne peut décider de qui appartient ou pas à notre nation aborigène, car ce serait porter atteinte à son « intégrité » (art. 8), ce serait remettre en cause son droit à décider de l’appartenance (art. 33) et bafouer son droit à s’autodéterminer (art.3), notamment dans le choix des critères d’appartenance, donc de nationalité. Ainsi, conformément à la lettre de ce texte, la République laisse aux Kanaks, autochtones de la Nouvelle-Calédonie, le droit de déterminer qui est de statut kanak et qui n’est pas de statut kanak : elle doit laisser aux autochtones de France le droit de déterminer qui est Français et qui n’est pas Français (principe de réciprocité et d’égalité entre les peuples : préambule de la Déclaration).
On le voit, la République par sa nature et par les textes internationaux qu’elle a signés et qui la lient, ne dispose pas du droit de dire la nationalité. La République est un système de domination du pseudo universel sur le particulier. En tant que telle, elle est extérieure et étrangère à notre peuple (comme à tous les peuples). Elle peut (à la limite) déterminer qui appartient juridiquement à la société multiculturelle qu’elle domine (par la « citoyenneté »), mais, sauf à ramener la nationalité identitaire à la citoyenneté juridique (ce qui serait une atteinte à l’identité autochtone, art. 8), elle n’a aucun droit, si ce n’est celui de la force, à dire qui est Français et qui ne l’est pas.
Certes Lassana Bathily est une personne méritante dont nous saluons le courage. Cependant la francité ne peut se réduire à une qualité morale. Et surtout, il n’appartient ni à des pétitionnaires, ni à des politiciens républicains de décider de l’appartenance des uns ou des autres. Ils outrepassent leurs droits. Enfin, faire dépendre l’appartenance à notre peuple d’une décision administrative prise par des gens se plaçant au-dessus des peuples est une atteinte grave à nos droits autochtones, un déni d’existence de notre peuple qui demandera réparation conformément à l’article 11 de la Déclaration.
Antonin Campana